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Je me trouve enrôlée néanmoins dans la classe des pénitens tardifs, et je ne m’attends à la pitié de personne. Ma seule confiance est dans la continuation de votre amitié. Que je serais malheureuse en effet, si je perdais une consolation si douce ! Cl Harlove.



M Lovelace à Joseph Léman.

samedi, 8 avril. Enfin, mon cher Joseph, votre jeune et chère demoiselle consent à se délivrer elle-même

de la cruelle persécution qu’elle souffre depuis si long-temps. Elle se rendra au jardin, lundi, vers quatre heures après midi, comme je vous ai dit qu’elle s’y est engagée. Elle m’a confirmé cette promesse. Grâces au ciel, elle me l’a confirmée ! J’aurai un carrosse à six chevaux dans le chemin détourné qui est le plus voisin du mur, et je serai accompagné de plusieurs de mes amis et de mes gens, bien armés, qui se tiendront un peu à l’écart pour la secourir au premier signe, si l’occasion le demande. Mais ils ont ordre d’éviter toutes sortes d’accidens fâcheux. Vous savez que c’est toujours mon premier soin. Ma seule crainte est qu’au dernier moment, la délicatesse de ses principes ne soit capable de la faire balancer, et qu’il ne lui prenne envie de retourner au château : quoique son honneur soit le mien, comme vous savez, et que l’un réponde de l’autre. Si malheureusement elle refusait de partir, je la perdrais pour toujours, et tous vos services passés deviendraient inutiles. Elle serait alors la proie de ce maudit Solmes, à qui sa sordide avarice ne permettra jamais de faire du bien à aucun domestique de la famille. Je ne doute pas de votre fidélité, honnête Joseph, ni du zèle avec lequel vous servez un homme d’honneur qu’on outrage, et une jeune demoiselle opprimée. Ma confiance vous fait voir que je n’ai pas le moindre doute, sur-tout dans cette importante occasion, où votre assistance peut couronner l’ œuvre ; car si mademoiselle balance, nous aurons besoin de quelque petite ruse innocente. Ainsi, faites bien attention aux articles suivans. Tâchez de les apprendre par cœur. Ce sera probablement la dernière peine que vous prendrez pour moi jusqu’à notre mariage. Alors vous devez être sûr que nous aurons soin de vous. Vous n’avez pas oublié ce que je vous ai promis. Personne au monde ne m’a jamais reproché de manquer à ma parole. Voici les articles, honnête Joseph. Trouvez le moyen de vous rendre au jardin, sous quelque déguisement, s’il est possible, et sans être aperçu de mademoiselle. Si le verrou de la porte de derrière est tiré, vous connaîtrez par-là que je suis avec elle, quand vous ne l’auriez pas vue sortir. La porte ne laissera pas d’être fermée ; mais j’aurai soin de mettre ma clé à terre, en dehors, afin que, s’il est besoin, vous puissiez ouvrir avec la vôtre. Si vous entendez nos voix, pendant notre entretien, tenez-vous près de la porte, jusqu’à ce que vous m’entendiez crier deux fois hem, hem !