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verdure ; et là je m’efforçai, aussi paisiblement que ma situation le permettait, de me rappeler diverses circonstances de l’entretien que j’avais eu avec ma tante. En les comparant avec quelques articles de la lettre de Miss Hervey , je commençai à me flatter que le mercredi n’était pas aussi redoutable pour moi que je l’avais cru ; et voici comment je raisonnai avec moi-même : " mercredi ne saurait être absolument le jour fixé pour mon malheur, quoique, dans la vue de m’intimider, on puisse souhaiter que j’en prenne cette idée. Le contrat n’est pas signé. On ne m’a pas encore forcée de le lire ou de l’entendre. Je puis refuser de le signer, malgré toute la difficulté que j’y prévois, si c’est de la main de mon père qu’il m’est présenté. D’ailleurs, mon père et ma mère ne se proposent-ils pas, lorsqu’on prendra le parti de la violence, de se rendre chez mon oncle Antonin, pour s’épargner le chagrin d’entendre mes cris et mes appels ? Cependant ils doivent être présens à l’assemblée de mercredi ; et quelque sujet d’effroi que je puisse trouver dans la pensée de paraître solemnellement aux yeux de tous mes amis, c’est peut-être ce que j’ai de plus heureux à souhaiter, puisque mon frère et ma sœur me croient tant de crédit dans le cœur de toute la famille, qu’ils ont regardé mon éloignement comme une mesure nécessaire au succès de leurs vues. " je ne dois pas douter non plus que mes prières et mes larmes, comme je me le suis déjà promis, ne touchent quelques-uns de mes proches en ma faveur ; et, lorsque je paraîtrai devant eux avec mon frère, j’exposerai avec tant de force la malignité de ses intentions, que j’affoiblirai nécessairement son pouvoir. " et puis, dans les plus fâcheuses suppositions, lorsque j’adresserai mes reproches au ministre, comme j’y suis résolue, il n’aura pas la hardiesse de continuer son office. M Solmes

n’aura pas non plus celle d’accepter une main forcée, qui ne cessera pas de repousser la sienne. Enfin, je puis alléguer, à l’extrêmité, des scrupules de conscience, et faire même valoir des obligations précédentes " ; car j’ai donné lieu à M Lovelace , comme vous le verrez, ma chère, dans une des lettres que vous avez entre les mains, d’espérer que, s’il ne me donne aucun sujet de plainte ou d’offense, je ne serai jamais à un autre homme, tandis qu’il n’aura point d’engagement avec une autre femme. C’est une démarche qui m’a paru nécessaire pour contenir des ressentimens, qu’il croit justes, contre mon frère et mes oncles. " j’en appellerai donc, ou j’abandonnerai le jugement de mes scrupules, au sage docteur Lewin ; et tout a changé de nature dans le monde, si ma mère et ma tante du moins ne sont pas touchées d’une si forte raison ". En me rappelant à la hâte tous ces motifs de confiance et de courage, je me félicitai moi-même d’avoir renoncé à la résolution de partir avec M Lovelace . Je vous ai dit, ma chère, que je ne m’épargnerais pas dans mon récit ; et je ne m’arrête à ce détail, que pour le faire servir à ma condamnation. C’est un argument qui conclut contre moi avec d’autant plus de force, que, dans tout ce que Miss Hervey m’avait écrit sur le témoignage de Betty et de ma sœur, j’avais cru reconnaître qu’on avait eu dessein, par cette voie, de me précipiter dans quelque résolution désespérée, comme le plus sûr moyen pour me perdre auprès de mon père et de mes oncles. Je demande pardon au ciel, si je porte un jugement trop désavantageux