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Le porteur, ma chère, a ordre de vous demander la petite quantité de linge que je vous ai envoyée dans de meilleures et de plus agréables espérances. Ne me renvoyez pas mes lettres. Je ne vous demande que le linge ; à moins que vous ne soyez disposée à m’accorder la faveur de quelques lignes, pour m’assurer que vous m’aimez encore, et que vous suspendrez votre censure jusqu’à l’explication que je vous promets. Je n’ai pas voulu différer à vous écrire ; afin que, si vous avez envoyé quelque chose au dépôt, vous vous hâtiez de le faire retirer, ou d’arrêter ce que vous auriez dessein de faire partir. Adieu, mon unique amie ! Je vous conjure de m’aimer. Mais, hélas ! Que dira votre mère ? Que dira la mienne ? Que diront tous mes proches ? Et que va dire ma chère Madame Norton ? Quel sera le triomphe de mon frère et de ma sœur ! Je ne puis vous dire aujourd’hui comment ni dans quel lieu j’espère vous donner de mes nouvelles, et recevoir des vôtres. Je dois partir d’ici de grand matin, et mortellement fatiguée. Adieu encore une fois. Je ne vous demande plus que votre pitié et vos prières.

Clarisse Harlove.



Miss Howe, à Miss Clarisse Harlove.

mardi à 9 heures du matin. Si je vous aime encore ! M’est-il possible de ne vous pas aimer, quand je le voudrais ? Vous pouvez vous figurer comment je suis demeurée interdite en ouvrant votre lettre, qui m’apprend la première nouvelle… grand dieu du ciel et de la terre ! Mais… mais que puis-je dire ? Je mourrai d’impatience, si vous me faites trop attendre vos explications. Que le ciel ait pitié de moi ! Mais est-il possible… ma mère sera sans doute bien étonnée. Comment lui annoncerai-je cet évènement ? Hier au soir, à l’occasion de quelques défiances que votre insensé d’oncle lui avait inspirées, je l’assurais encore, fondée sur vos propres déclarations, que ni homme ni diable ne vous ferait jamais faire un pas qui ne fût conforme aux plus scrupuleuses loix de l’honneur. Mais, encore une fois, est-il possible… quelle femme, à ce compte… mais je prie le ciel qu’il vous conserve. Qu’il ne vous échappe rien dans vos lettres. Adressez-les moi néanmoins chez M Knollis, jusqu’au premier éclaircissement. Observez, ma chère, que toutes mes exclamations ne sont point une manière de vous blâmer. Je ne vois de coupables que vos amis. Cependant je ne conçois pas comment vous avez pu changer de résolution. Mon embarras est extrême pour faire cette ouverture à ma mère. Cependant, si je lui laisse le temps d’être informée par un autre, et qu’elle apprenne ensuite que je l’ai été plutôt qu’elle, je ne lui persuaderai jamais que je n’aie pas eu de part à votre évasion. Que je meure néanmoins, si je sais quelle voie prendre ! Mais c’est vous causer de la peine, quoique assurément sans en avoir l’intention.