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Très-chère madame ! Avez-vous quelque chose de consolant à m’apprendre ? Il peut arriver, ma chère, que vous deveniez plus complaisante. Voilà donc, madame, les espérances que vous me donnez ! Au nom de dieu, ne me faites pas penser que ma tante Hervey soit cruelle pour une nièce qui l’aime et qui l’honore du fond du cœur. Je pourrai, m’a-t-elle dit, vous en apprendre davantage, mais sous le sceau du plus grand secret, si la recherche tourne favorablement pour vous. Croyez-vous qu’on trouve quelque chose à votre désavantage ? Je m’attends qu’on trouvera quelques papiers : mais je suis déjà résignée à toutes les suites. Mon frère et ma sœur n’épargneront pas leurs charitables interprétations. Dans le désespoir où je suis, rien n’est capable de m’alarmer. Elle espérait, et très-ardemment, m’a-t-elle dit, qu’on ne trouverait rien qui pût faire mal juger de ma discrétion. Alors… mais elle craignait de s’expliquer trop. Elle m’a quittée d’un air aussi mystérieux que ses termes, et qui ne m’a causé qu’un surcroît d’incertitude. Ce qui m’occupe à présent, ma chère amie, c’est l’approche de cette entrevue. Je ne puis en écarter un moment l’idée. Plût au ciel que cette scène fût passée ! Se voir pour se quereller ! Mais, s’il n’est pas tout-à-fait calme et résigné, je ne demeurerai pas un instant avec lui, quelques résolutions qu’il puisse prendre. Ne remarquez-vous pas que plusieurs de mes lignes sont tortues, et qu’une partie de mes caractères viennent d’une main tremblante ? C’est ce qui arrive malgré moi, lorsque j’ai l’imagination plus remplie de cette entrevue que de mon sujet. Mais, après tout, pourquoi le voir ? Comment me suis-je persuadée que j’y suis obligée ? Je voudrais que le temps me permît de recevoir là-dessus votre conseil. Vous êtes si lente à vous expliquer ! Je conçois néamoins, comme vous le dites, que cette lenteur vient de la difficulté de ma situation. J’aurais dû vous dire que, dans le cours de cette conversation, j’ai supplié ma tante de faire l’office d’une amie ; de hasarder un mot en ma faveur, le jour de l’épreuve, et d’obtenir quelque temps pour mes réflexions, si c’est l’unique grâce qu’on soit disposé à m’accorder. Elle m’a répondu qu’après la cérémonie, j’aurais tout le temps que je pourrais désirer pour m’accoutumer à mon sort, avant que d’être livrée à M Solmes : odieuse confirmation de l’avis que j’ai reçu de Miss Hervey. Cette réponse m’a fait perdre patience. à son tour, elle m’a demandé en grâce de rappeler toutes mes forces, pour me présenter devant l’assemblée avec une soumission tranquille et les sentimens d’une parfaite résignation. Le bonheur de toute la famille étoit entre mes mains ; et quelle joie n’aurait-elle pas de voir mon père, ma mère, mes oncles, mon frère, ma sœur, m’embrasser tous avec transport, me serrer tour à tour entre leurs bras, et se féliciter mutuellement du retour de la paix et du bonheur commun ? Le ravissement de son cœur ne pouvait manquer d’abord de lui ôter le mouvement de la parole ; et sa pauvre Dolly, à qui son extrême attachement pour moi avait attiré des