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sort, peut être renouvelé, et se faire accepter. Mon malheur n’en sera pas plus grand du côté de mes amis ; et je regarderai comme un bonheur extrême de ne pas les quitter par ma faute, pour chercher une autre protection, qui doit être alors celle de M Morden, plutôt que celle de M Lovelace. En un mot, je trouve dans mon cœur des pressentimens moins terribles, lorsque j’attache ma vue sur ce parti, que lorsque je me suis déterminée pour l’autre ; et, dans une résolution forcée, les mouvemens du cœur sont la conscience. C’est le plus sage de tous les hommes qui leur donne ce nom. Je vous demande grâce, ma chère, pour cet amas de raisonnemens mal digérés. Je m’arrête ici, et je vais faire sur le champ une lettre de révocation pour M Lovelace. Il prendra la chose comme il voudra. C’est une nouvelle épreuve à laquelle je ne suis pas fâchée de mettre son caractère, et qui est d’ailleurs d’une importance infinie pour moi. Ne m’a-t-il pas promis une parfaite résignation, si je change de pensée ? Clarisse Harlove.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

dimanche, 9 d’avril, au matin. Il semble que personne ne se propose aujourd’hui d’aller à l’église. On sent peut-être qu’il n’y a point de bénédiction du ciel à espérer pour des vues si profanes, et j’ose dire si cruelles. Ils se défient que je roule quelque dessein dans ma tête. Betty a visité mes armoires : je l’ai trouvée dans cette occupation à mon retour du jardin, où j’ai porté ma lettre à Lovelace ; car j’ai écrit, ma chère. Elle a changé de couleur, et j’ai remarqué sa confusion. Mais je me suis contentée de lui dire que je devais être accoutumée à toutes sortes de traitemens, et que, lui supposant des ordres, je la croyais assez justifiée. Elle m’a confessé, dans son embarras, qu’on avait proposé de me retrancher mes promenades, et que le rapport qu’elle allait faire ne serait point à mon désavantage. Un de mes amis, dit-elle, a représenté en ma faveur qu’il n’était pas nécessaire de m’ ôter le peu de liberté qui me reste, puisqu’en menaçant d’employer la violence pour m’enlever, si l’on me conduisait chez mon oncle, M Lovelace avait fait assez voir que je ne pense point à fuir volontairement avec lui ; et que, si j’avais ce dessein, je n’aurais pas attendu si tard à faire des préparatifs, dont on aurait découvert infailliblement quelque trace. Mais on en conclut aussi qu’il ne faut pas douter que je ne prenne enfin le parti de me rendre ; et si ce n’est pas votre intention, a continué cette hardie créature, votre conduite, miss, me paroît étrange. Ensuite, pour réparer ce qui lui était échappé : " vous êtes allée si loin, m’a-t-elle dit, que votre embarras est de revenir honnêtement ; mais je m’imagine que mercredi, en pleine assemblée, vous donnerez la main à M Solmes ; et, suivant le texte du docteur Brandt , dans son dernier sermon, la joie sera grande alors dans le ciel ". Voici en substance ce que j’écris à M Lovelace : " que des raisons de la plus grande importance pour moi-même, et dont il sera satisfait lorsqu’