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autre œil. Alors, peut-être, je serai obligée à M Lovelace, s’il n’entre pas dans les mêmes sentimens. Voyez-vous, ma chère amie, à quel point ce cruel traitement m’humilie ? Mais peut-être étois-je trop exaltée auparavant. Il conclut par des instances redoublées, pour obtenir de moi une entrevue " qu’il demande, dès cette nuit, s’il est possible. C’est un honneur, dit-il, qu’il sollicite avec d’autant plus de confiance, que je lui ai déjà permis de l’espérer deux fois. Mais, soit qu’il l’obtienne, ou que de nouvelles raisons me portent à le refuser, il me supplie de choisir une des alternatives qu’il me propose, et de demeurer ferme dans la résolution de m’échapper mardi prochain, si je n’ai pas les plus solides assurances d’une paix et d’une liberté bien établies ". Enfin, il renouvelle tous ses vœux, toutes ses promesses, avec des expressions si fortes, que son propre intérêt, l’honneur de ses proches, et leur favorable disposition pour moi, se réunissant pour éloigner toutes les défiances, il ne peut me rester aucun doute de sa sincérité.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

samedi, 8 d’avril, à 8 heures du matin. Si vous me trouverez blâmable, ou non, c’est ce que je ne puis dire : mais j’ai confirmé, par une lettre, ma première résolution, de partir mardi prochain, à la même heure, s’il est possible, que j’avais marquée dans ma lettre précédente. N’ayant point gardé de copie, voici mes termes, qui me sont fort présens. Je lui avoue sans détour " qu’il ne me reste plus d’autre voie pour éviter l’exécution du projet déterminé de mes amis, que de quitter cette maison avec son assistance ". Je n’ai pas prétendu me faire un mérite auprès de lui d’une déclaration si formelle ; car j’ajoute, avec la même franchise, " que, si je pouvais me donner la mort sans un crime irrémissible, je la préfererais à une démarche qui sera condamnée du monde entier, si je n’en trouve pas la condamnation dans mon propre cœur ". Je lui dis " que, dans la crainte d’être soupçonnée, je ne tenterai point d’emporter d’autres habits que ceux que j’aurai sur moi : que je dois m’attendre à me voir refuser la possession de ma terre, mais que, dans quelques extrémités que je puisse tomber, je ne me déterminerai jamais à réclamer la justice contre mon père ; de sorte que la protection dont je lui serai redevable ne doit être accordée qu’à l’infortune : que j’ai trop d’orgueil, néanmoins, pour penser jamais au mariage, sans une fortune qui puisse me mettre sur un pied d’égalité avec le mari que le ciel me destine, et me dispenser des obligations de cette nature : que par conséquent, mon départ ne lui donnera pas d’autres espérances que celles qu’il avait déjà ; et qu’en toutes sortes de sens, je me réserve le droit d’accepter ou de refuser ses soins, suivant l’opinion que je prendrai de ses sentimens et de sa conduite ". Je lui dis " que le parti qui me convient le mieux est de choisir une maison particulière dans le voisinage de Miladi Lawrance, mais différente de la sienne, afin qu’il ne paroisse pas dans le monde que j’ai