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l’aversion que j’ai pour lui ? Se propose-t-il de redoubler l’animosité de mes amis contre moi ? ô ruse, ô cruelle ambition de mon frère ! Ma tante m’a jeté un regard de pitié, comme pour entrer dans le sens de mon exclamation. Cependant elle m’a répondu que mon imagination créait des monstres ; que je supposais de l’animosité, du redoublement… leur animosité redoublera, madame, s’ils s’offensent de me voir déclarer à M Solmes que je le déteste pour mari. M Solmes, m’a-t-elle dit, mérite en vérité de la compassion. Il vous adore. Il est dans une mortelle impatience de vous revoir. Il ne vous trouve que plus charmante, depuis la manière cruelle dont vous l’avez traité. Il ne parle de vous qu’avec transport. Difforme créature ! Ai-je pensé en moi-même. Lui ! Des transports ? Quelle doit être la cruauté de son cœur, ai-je repris, pour se faire un spectacle de tant de disgrâces, auxquelles il contribue volontairement ! Mais je vois, je vois, madame, que je suis considérée ici comme un oiseau en cage , qu’on pique et qu’on irrite, pour en faire le jouet de mon frère, de ma sœur et de M Solmes. Ils trouvent dans mes peines le sujet d’une joie cruelle. Moi ! Madame, que je voie cet homme-là ? Un homme incapable de pitié ? Je ne le verrai pas, si je puis éviter de le voir. Non, non, je ne le verrai pas. Quel sens votre vivacité vous fait donner à l’admiration dont M Solmes est rempli pour vous ! Tous vos emportemens d’hier, tous vos mépris, n’empêchent pas qu’il ne vous trouve adorable, jusques dans vos rigueurs. Je vous réponds qu’il n’est pas aussi peu généreux, aussi insensible que vous le croyez. Allons, ma chère nièce ; votre père et votre mère s’y attendent ; il faut consentir à le voir encore une fois ; il faut entendre ce qu’il doit vous dire. Comment pourrais-je y consentir, lorsque vous-même, madame, à l’exemple de tous les autres, vous avez expliqué l’entrevue d’hier comme un encouragement pour ses prétentions ; lorsque j’ai déclaré solennellement que, si je consentais à la recevoir, elle pouvait être expliquée dans ce sens ; et lorsque je suis déterminée au contraire à ne le jamais souffrir ? Vous auriez pu, miss, vous dispenser de faire tomber vos réflexions sur moi. Je vois que, d’un côté comme de l’autre, je n’ai pas beaucoup de remerciemens à prétendre. Elle est sortie en courant. Je l’ai rappelée, je l’ai suivie jusqu’à l’escalier ; elle a refusé de m’entendre. Le mouvement précipité qu’elle a fait pour sortir a donné occasion à celui de quelque vil espion qui nous écoutait, et dont j’ai entendu le bruit lorsqu’il s’est retiré. à peine étois-je un peu remise de cette attaque, que l’illustre Betty est entrée : miss, on attend l’honneur de votre compagnie dans votre parloir. Eh qui, Betty ? Que sais-je, miss ? C’est peut-être votre sœur, peut-être votre frère. Je suis sûre qu’ils ne monteront point ici pour vous voir. M Solmes est-il parti ? Je le crois, miss. Voudriez-vous qu’on le fît rappeler ? M’a demandé l’insolente créature. Je suis descendue : et qui pouvais-je trouver dans mon parloir, si ce