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de lui faire sentir votre pouvoir lorsque vous serez son maître, comme elle vous fait essuyer aujourd’hui son insolence ". Fi, mon neveu, lui a dit ma tante. Un frère peut-il être capable de cet excès à l’égard d’une sœur ? Il lui a reproché, pour sa défense, d’encourager elle-même une rebelle : " oui, madame, vous favorisez trop l’arrogance de son sexe. Autrement, elle n’aurait pas osé fermer la bouche à son oncle par d’indignes réflexions ; ni refuser d’écouter un ami, qui veut l’avertir du danger auquel son honneur est exposé de la part d’un libertin, dont elle a fait entendre ouvertement qu’elle veut réclamer la protection contre sa famille ". j’ai fermé la bouche à mon oncle par d’indignes réflexions ! comment osez-vous me faire ce reproche ? Lui ai-je demandé avec un vif ressentiment. Quelle horrible explication ! Qui ne peut tomber dans l’esprit qu’à vous. Ma tante a pleuré du chagrin de se voir traitée avec tant de violence. Mon neveu, lui a-t-elle dit, si c’est à ces remerciemens que je dois m’attendre, j’ai fini. Votre père ne prendrait pas ce ton avec moi. Je dirai, n’en doutez pas, que le discours que vous avez tenu est indigne d’un frère. Pas plus indigne, ai-je repris, que tout le reste de sa conduite. Je vois, par cet exemple, comment il a réussi à faire entrer tout le monde dans ses mesures. Si j’avais la moindre crainte de tomber au pouvoir de M Solmes, cette scène aurait pu me toucher. Vous voyez, monsieur, en parlant à Solmes, quels moyens on croit devoir employer pour vous conduire à vos généreuses fins. Vous voyez comment mon frère me fait sa cour pour vous. Ah !… mademoiselle, je désavoue la violence de M Harlove. Je ne vous rappellerai jamais… soyez tranquille, monsieur ; je prendrai soin que jamais vous n’en ayez l’occasion. Vous êtes trop passionnée, Clary, m’a dit mon oncle ; mais vous, mon neveu, je vous trouve aussi blâmable que votre sœur. Bella est entrée au même moment. Vous n’avez pas tenu votre promesse, a-t-elle dit à mon frère. On vous blâme de l’autre côté comme ici. Si la générosité et l’attachement de M Solmes étoient moins connus, ce qui vous est échappé serait inexcusable. Mon père vous demande ; et vous aussi, ma tante ; et vous mon oncle ; et M Solmes avec vous, s’il vous plaît. Ils sont passés tous quatre dans l’appartement voisin. Je suis demeurée en silence, pour attendre de ma sœur l’explication de cette nouvelle scène. Elle ne s’est pas plutôt vue seule avec moi, qu’avançant son visage presque sur le mien ; elle m’a dit, du ton le plus outrageant, quoiqu’assez bas : perverse créature que tu es ! Que de peine tu causes à toute la famille ! Je lui ai répondu, avec beaucoup de modération, qu’elle et mon frère en causaient de volontaires, parce que rien ne les obligeait l’un et l’autre à se mêler de mes intérêts. Elle a continué ses injures, mais toujours d’une voix basse, comme dans la crainte d’être entendue. J’ai jugé que, pour me délivrer d’elle, il était à propos de lui faire lever un peu le ton ; ce qui est toujours facile avec un esprit passionné. En effet, elle s’est emportée sans ménagement. Aussi-tôt Miss Dolly Hervey est venue lui