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vous alarmez point ; elle est à vous, elle sera votre femme. Nous verrons qui doit l’emporter, d’un père ou d’une fille, d’un oncle ou d’une nièce… je ne doute pas que nous ne touchions à la fin, et que cette haute frénésie ne donne matière à quantité de bons mots. " je souffrais mortellement. " quoique nous ne puissions découvrir, a-t-il continué, d’où vient cette humeur opiniâtre dans une créature si douce, nous croyons le deviner. Ami, comptez que cette obstination ne lui est pas naturelle : et je n’y prendrais pas tant d’intérêt, si je n’étais sûr de ce que je dis, et si je n’étais déterminé à faire beaucoup pour elle. " je ne cesserai pas de prier pour cet heureux tems, a répondu M Solmes, d’une voix aussi intelligible : jamais, jamais je ne lui rappellerai la mémoire de ce qui me cause aujourd’hui tant de peine. Je ne vous cacherai pas, m’a dit ma tante, qu’en livrant vos clés à votre mère, sans aucune condition, vous avez plus fait que vous ne pouviez espérer par toute autre voie. Cette soumission, et la joie qu’on a eue de ne rien trouver qui puisse causer de l’ombrage, jointes à l’entremise de M Solmes… ah madame ! Que jamais je n’aie d’obligation à M Solmes. Je ne pourrais le payer que par des remerciemens ; à condition même qu’il abandonnât ses prétentions. Oui, monsieur, (en me tournant vers lui) si vous avez quelque sentiment d’humanité, si l’estime dont vous faites profession de m’honorer a quelque rapport à moi-même, je vous conjure de vous borner à mes remerciemens : je vous les promets de bonne foi ; mais ayez la générosité de les mériter. " croyez, croyez, croyez-moi, mademoiselle, a-t-il begayé plusieurs fois ; il est impossible. Je conserverai mes espérances aussi long-temps que vous serez fille. Aussi long-temps que je serai soutenu par mes dignes amis, il faut que je persévère. Je ne dois pas marquer du mépris pour eux, parce que vous en avez beaucoup pour moi. " un regard dédaigneux a fait mon unique réponse : et m’adressant à ma tante : de grâce, madame, quelle faveur ma soumission m’a-t-elle donc procurée ? Votre mère et M Solmes, a-t-elle repris, ont obtenu que vous ne partirez point avant mardi, si vous promettez de partir alors de bonne grâce. Qu’on me laisse la liberté d’exclure les visites qui me chagrinent, et je me rendrai avec joie chez mon oncle. Eh bien ! M’a dit ma tante, c’est un point qui demande encore d’être examiné. Passons à un autre, pour lequel vous ne sauriez trop rappeler votre attention : il vous apprendra ce qui a fait désirer ici la présence de M Solmes. Oui, ma nièce, écoutez bien, a interrompu mon oncle. Il vous apprendra aussi ce que c’est qu’un certain homme, que je ne veux pas nommer. Je vous en prie, M Solmes, lisez-nous premièrement la lettre que vous avez reçue de votre honnête ami : vous m’entendez ; la lettre anonyme. Volontiers, monsieur ; et prenant son portefeuille, M Solmes en a tiré une lettre : c’est la réponse, a-t-il dit en baissant les yeux, à une lettre qu’on avait écrite à la personne. L’adresse est à M Roger Solmes, écuyer ; elle commence ainsi : monsieur et cher ami… pardon,