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J’ignore ce qui s’est passé entr’eux ; mais, après m’avoir laissée quelque temps pour me remettre, mon frère est revenu, avec une contenance sombre et hautaine : votre père et votre mère, m’a-t-il dit, vous ordonnent de vous disposer sur le champ à vous rendre chez votre oncle. N’ayez aucun embarras pour vos commodités. Vous pouvez donner vos clés à Betty. Prenez-les, Betty, si cette perverse les a sur elle, et portez-les à sa mère. On prendra soin de vous envoyer tout ce qui est convenable ; mais vous ne passerez pas la nuit dans cette maison. J’ai répondu que je n’étais pas bien aise de remettre mes clés à d’autres qu’à ma mère, et même en mains propres ; qu’il voyait le désordre de ma santé ; qu’un départ si brusque pouvait me coûter la vie, et que je demandais en grâce qu’il fût différé du moins jusqu’à mardi. C’est, mademoiselle, ce qui ne vous sera point accordé. Préparez-vous pour ce soir, et remettez vos clés à Betty, si vous n’aimez mieux me les donner à moi-même. Je les porterai à votre mère. Non, mon frère, non. Vous aurez la bonté de m’excuser. Vous les donnerez ; il le faut absolument. Rebelle sur tous les points : Mademoiselle Clary, auriez-vous quelque chose en réserve qui ne dût pas être vu de votre mère ? Non, si l’on me permet de l’accompagner. Il est sorti, en me disant qu’il allait rendre compte de ma réponse. Bientôt j’ai vu entrer Miss Dolly Hervey, qui m’a dit tristement qu’elle était fâchée du message, mais que ma mère demandait absolument la clé de mon cabinet et celle des tiroirs. Dites à ma mère que j’obéis à ses ordres. Dites-lui que je ne fais point de conditions avec ma mère ; mais que, si ses recherches ne lui font rien trouver qu’elle désapprouve, je la supplie de permettre que je demeure ici quelques jours de plus. Allez, chère cousine, rendez-moi ce bon office, si vous le pouvez. La tendre Dolly n’a pu retenir ses larmes. Elle a reçu mes clefs. Elle a passé les bras autour de mon cou, en disant qu’il était bien triste de voir pousser si loin la rigueur. J’ai remarqué que la présence de Betty ne lui permettait pas de s’expliquer davantage. Cachez votre pitié, ma chère, n’ai-je pu m’empêcher de lui dire ; on vous en ferait un crime : vous voyez devant qui vous êtes. L’insolente Betty a souri dédaigneusement. Une jeune demoiselle, a-t-elle eu la hardiesse de répondre, qui en plaignait une autre dans des affaires de cette nature, promettait beaucoup elle-même pour l’avenir. Je l’ai traitée fort mal, et je lui ai ordonné de me délivrer de sa présence. Très-volontiers, m’a-t-elle dit avec la même audace, si les ordres de ma mère ne l’obligeaient de demeurer. J’ai reconnu ce qui l’arrêtait, lorsqu’ayant voulu remonter à mon appartement, après le départ de ma cousine, elle m’a déclaré (quoiqu’avec beaucoup de regret, m’a-t-elle dit) qu’elle avait ordre de me retenir. Oh ! C’est trop. Une effrontée telle que vous, ne m’empêchera point… elle s’est hâtée de tirer la sonnette, et mon frère accourant aussitôt, s’est rencontré sur mon passage. Il m’a forcée de retourner, en me répétant plusieurs fois qu’il n’était pas temps encore. Je suis rentrée ; et me jetant sur une chaise, je me suis mise à pleurer amérement. Le récit de son indécent langage pendant qu’il m’a servi comme de geolier avec