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ma décision, et de se gouverner entièrement par ma volonté, les mêmes raisons me portèrent quelques jours après à lui faire réponse. C’est à cette fatale nécessité qu’il faut attribuer le renouvellement de notre correspondance, si je puis lui donner ce nom. Cependant je n’écrivis qu’après avoir su du frère de M Symmes , qu’il avait été forcé de tirer l’épée par les dernières insultes ; et que, sur le refus qu’il en avait fait à ma considération, mon frère s’était oublié jusqu’à le menacer plusieurs fois de le frapper au visage. Et, par toutes les informations que j’avais pu recueillir, je n’avais pas moins vérifié qu’il avait été maltraité par mes oncles avec plus de violence que je ne l’ai rapporté. Mon père et mes oncles furent informés des mêmes circonstances. Mais ils s’étoient trop avancés, en se rendant parties dans la querelle, pour se rétracter ou pour lui pardonner. Je reçus défense d’entretenir la moindre correspondance avec lui, et de me trouver un moment dans sa compagnie. Cependant je puis vous faire un aveu, mais en confidence, parce que ma mère m’a recommandé le secret. En me témoignant ses craintes sur les suites de l’indigne traitement qu’on a fait à M Lovelace , elle m’a dit qu’elle laisserait à ma prudence de prévenir, par les moyens les plus propres, le malheur qui menace une des parties. Je suis obligée de finir. Mais je crois en avoir dit assez, pour satisfaire pleinement à ce que vous avez souhaité de moi. Il ne convient point à un enfant de justifier son caractère et ses actions aux dépens de ce qu’il révère le plus. Cependant, comme je suis bien sûre que les évènemens qui ne peuvent manquer de venir à la suite, seront intéressans pour une amie telle que vous, qui d’ailleurs n’en communiquera pas plus qu’il ne convient, je continuerai de vous écrire suivant les occasions, avec le détail des circonstances que nous aimons toutes deux dans nos lettres. Je vous le dis souvent, il n’y a point de plaisir qui égale pour moi celui de converser avec vous, par lettres du moins, quand je ne le puis de bouche. Je dois vous avouer aussi que je suis extrêmement affligée d’être devenue le sujet des discours publics, jusqu’au point où vous me le dites, et comme tout le monde m’en assure. Vos obligeantes, vos sages précautions pour ma réputation, et l’occasion que vous m’avez donnée de vous raconter mon histoire, avant les nouveaux malheurs qui peuvent arriver, et dont je prie le ciel de nous garantir, sont des attentions si dignes de la tendre et ardente amie que j’ai toujours trouvée dans ma chère Miss Howe , qu’elles me lient à vous par de nouvelles obligations. Clarisse Harlove. copie du préambule aux articles du testament fait en faveur de Miss Clarisse Harlove, qu’elle envoya dans la lettre précédente.

" comme les biens dont j’ai fait mention, et que j’ai décrits ci-dessus sont des biens que j’ai acquis moi-même ; comme mes trois fils ont été extraordinairement heureux, et qu’ils se trouvent fort riches ; l’aîné, par les avantages imprévus qu’il tire de ses nouvelles mines ; le second, par ceux qui lui sont arrivés, sans s’y être attendu, après la mort de plusieurs parens de sa présente femme, sortie, des deux côtés, de très-honorables familles, au-delà des biens considérables qu’elle lui a apportés en mariage ; mon fils Antonin , par son trafic des Indes orientales, et par ses heureux voyages : en outre, comme mon petit-fils James sera suffisamment