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Il s’est passé près d’une heure avant qu’on m’ait fait rappeler. L’ordre m’est venu par ma cousine Dolly Hervey, qui s’est approchée de moi, l’œil plein de compassion et de respect ; car vous savez qu’elle m’a toujours aimée, et qu’elle se donne elle-même le nom de mon écolière. Betty nous a quittées. On veut donc que je retourne au supplice, lui ai-je dit. Mais quoi, miss ? Il semble que vous ayez pleuré. Qui serait capable de retenir ses larmes ? M’a-t-elle répondu. Quelle en est donc l’occasion ? Ai-je repris ; j’ai cru que, dans la famille, il n’y avait que moi qui eusse sujet de pleurer. Elle m’a dit que le sujet n’était que trop juste, pour tous ceux qui m’aimaient autant qu’elle. Je l’ai serrée entre mes bras. C’est donc pour moi, chère cousine, que votre cœur s’est attendri jusqu’aux larmes ! Il n’y a jamais eu d’amitié perdue entre nous. Mais dites-moi de quoi je suis menacée, et ce que m’annonce cette tendre marque de votre compassion. " ne faites pas connaître que vous sachiez tout ce que je vais vous dire ; mais je ne suis pas la seule qui pleure pour vous. Ma mère a beaucoup de peine à cacher ses larmes. On n’a jamais vu, dit-elle, de malice aussi noire que celle de mon cousin Harlove ; il ruinera la fleur et l’ornement de la famille. " comment donc, chère cousine ? Ne s’est-elle pas expliquée d’avantage ? Comment, ma chère ? " oui : elle dit que M Solmes aurait déjà renoncé à ses prétentions, parce qu’il reconnaît que vous le haissez et qu’il n’y a pas d’espérance ; et que votre mère voudrait qu’il y renonçat, et qu’on s’en tint à votre promesse de ne jamais vous marier sans le consentement de la famille. Ma mère est du même avis, car nous avons entendu tout ce qui s’est passé dans votre parloir, et l’on voit bien qu’il est impossible de vous engager à recevoir M Solmes. Mon oncle Harlove paraît penser de même ; ou, du moins, ma mère dit qu’il ne paraît pas s’y opposer. Mais votre père est inébranlable. Il s’est mis en colère, à cette occasion, contre votre mère et la mienne. Là-dessus, votre frère, votre sœur et mon oncle Antonin sont venus se joindre à lui, et la scène est entièrement changée. En un mot, ma mère dit à présent qu’on a pris des engagemens bien forts avec M Solmes, qu’il vous regarde comme une jeune personne accomplie ; qu’il prendra patience s’il n’est point aimé ; et que, comme il l’assure lui-même, il se croira heureux, s’il peut vivre six mois seulement avec la qualité de votre mari : pour moi, je crois entendre son langage, et je suppose qu’il vous ferait mourir de chagrin au septième ; car je suis sûre qu’il a le cœur dur et cruel. " mes amis, chère cousine, peuvent abréger mes jours, comme vous le dites, par leurs cruels traitemens ; mais jamais M Solmes n’aura ce pouvoir. " c’est ce que j’ignore, miss. Autant que j’en puis juger, vous aurez bien du bonheur, si vous évitez d’être à lui. Ma mère dit qu’ils sont à présent plus d’accord que jamais, à l’exception d’elle, qui se voit forcée de déguiser ses sentimens. Votre père et votre frère, sont d’une humeur si outrageante ! " je m’arrête peu aux discours de mon frère, chère Dolly ; il n’est que mon