Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée

et je la garantis à vous. Comptez qu’elle récompensera parfaitement votre patience. Ne parlez donc pas d’abandonner vos vues, pour quelques apparences d’une folle douleur. Elle a pris un ton, que son embarras est de quitter avec les petites grâces de son sexe. Vous n’avez à combattre que son orgueil et son obstination. Je vous réponds que dans quinze jours, vous serez aussi heureux qu’un mari peut l’être . Vous n’ignorez pas, ma chère, que c’est un des talens de mon frère, d’exercer ses railleries sur notre sexe et sur l’état du mariage. Il ne donnerait pas dans cette affectation, s’il n’était persuadé qu’elle fait honneur à son esprit ; comme M Vyerley, et quelques autres personnes de votre connaissance et de la mienne, croient s’en faire beaucoup, en cherchant à jeter du ridicule sur les choses saintes : tous égaremens qui partent du même principe. Ils veulent qu’on leur croie trop d’esprit pour être honnêtes gens. M Solmes, d’un air satisfait, a répondu présomptueusement " qu’il était disposé à tout souffrir pour obliger ma famille et pour me sauver ; ne doutant point, a-t-il ajouté, que, s’il était assez heureux pour réussir, il ne fût amplement récompensé. " je n’ai pu soutenir un traité si offensant : monsieur, lui ai-je dit, si vous avez quelque égard pour votre propre bonheur, (il n’est pas question du mien, vous n’êtes pas assez généreux pour le faire entrer dans votre systême), je vous conseille de ne pas pousser plus loin vos prétentions. Il est juste de vous apprendre qu’avant le traitement que j’ai essuyé à votre occasion, je n’ai trouvé dans mon cœur que de l’éloignement pour vous ; et pouvez-vous me croire les sentimens si bas, que la violence ait été capable de les changer ? Et vous, monsieur, (me tournant vers mon frère) si vous croyez que la douceur soit toujours une marque de mollesse, et qu’il n’y ait point de grandeur d’ame sans arrogance ; reconnaissez que vous vous êtes une fois trompé. Vous éprouverez désormais qu’une ame généreuse ne doit pas être forcée, et que… finissez, je vous l’ordonne, m’a dit l’impérieux personnage ; et levant les yeux et les mains au ciel, il s’est tourné vers mon oncle ; entendez-vous, monsieur ? Voilà cette nièce sans défaut, cette favorite de la famille. Mon oncle s’est approché de moi, en me parcourant des yeux, depuis la tête jusqu’aux pieds. " est-il possible que ce soit vous, Miss Clary ? Tout ce que j’entends vient-il de votre bouche ? " oui, monsieur, ce qui paraît faire votre doute est possible : et je ne balance point à dire encore, que la force de mes expressions n’est qu’une suite naturelle du traitement que j’ai reçu, et de la barbarie avec laquelle je suis traitée jusqu’en votre présence, par un frère, qui n’a pas plus d’autorité sur moi que je n’en ai sur lui. " ce traitement, ma nièce, n’est venu qu’après mille autres moyens, dont on a fait inutilement l’essai. " l’essai ! Monsieur. Dans quelle vue ? Mes demandes vont-elles plus loin que la liberté de refuser ? Vous pouvez, monsieur (en me tournant vers M Solmes), sans doute vous pouvez trouver un motif de persévérance, dans la manière même dont j’ai souffert toutes les persécutions que vous m’avez attirées. C’est un exemple qui vous apprend ce que je suis capable de supporter, si ma mauvaise destinée me forçait jamais d’être à vous.