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première lettre. Mon agitation est extrême. Nulle réponse du côté de votre mère. Que je commence à douter de ses dispositions ! Adieu, ma meilleure, ma seule amie. Clarisse Harlove.


Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

mardi au soir, et toute la nuit. Aidez-moi, ma chère, à remercier le ciel. Je suis encore vivante, et chez mon père ; mais je ne puis répondre si ces deux avantages me seront conservés long-temps. J’ai des évènemens sans nombre à vous raconter, et peut-être fort peu de tems pour les écrire. Cependant il faut que je commence par les alarmes où l’insolente Betty a trouvé le moyen de me jeter, en m’apportant le compliment de Solmes ; quoique je fusse dans un état, si vous vous souvenez de ma dernière lettre, qui n’avait pas besoin d’être aggravé par de nouvelles surprises. Miss, miss, miss ! S’est-elle écriée, de la porte de ma chambre, les bras levés, et tous les doigts étendus ; vous plaît-il de descendre ? Vous allez trouver tout le monde en belle et pleine assemblée, je vous assure ; et que vous dirai-je de M Solmes ? Vous l’allez voir magnifique comme un pair de la Grande-Bretagne, avec une charmante perruque blonde, les plus belles dentelles du monde, un habit galonné d’argent, une veste des plus riches et du meilleur goût… tout-à-fait bien, en vérité. Vous serez surprise du changement. Ah ! Miss, en secouant la tête, quelle pitié que vous vous soyez si fort emportée contre lui ! Mais vous savez fort bien comment il faut s’y prendre pour réparer le passé : j’espère qu’il ne sera point encore trop tard. Impertinente ! Lui ai-je répondu ; tes ordres portent-ils de venir commencer par me causer de l’épouvante ? J’ai pris mon éventail, et je me suis un peu rafraîchie. Tout le monde est là, dites-vous ? Qu’entendez-vous par tout le monde ? Mais, ce que j’entends, miss ? (ouvrant la main, avec un geste d’admiration accompagné d’un regard moqueur, et comptant ses doigts à chaque personne qu’elle nommait) c’est votre papa ! C’est votre maman ! C’est votre oncle Harlove ! C’est votre oncle Antonin ! C’est votre tante Hervey ! C’est ma jeune maîtresse et mon jeune maître ! C’est enfin M Solmes, avec l’air d’un homme de cour, qui s’est levé lorsqu’il a prononcé votre nom, et qui m’a dit : (l’effrontée singe a fait alors une révérence, en tirant la jambe d’aussi mauvaise grace que celui qu’elle voulait contrefaire) " Mademoiselle Betty, ayez la bonté de présenter mon très-humble respect à Miss Clarisse, et de lui dire que j’attends ici l’honneur de ses commandemens ". Avez-vous jamais vu, ma chère, une si maligne créature ? J’étais si tremblante, qu’à peine avais-je la force de me soutenir. Je me suis assise ; et dans mon chagrin, j’ai dit à Betty, que sa maîtresse lui avait ordonné apparemment de m’irriter par ce prélude, pour me mettre hors d’état de paraître avec une modération qui aurait pu m’attirer la pitié de mon oncle. Mon dieu, miss, comme votre teint s’échauffe ! M’a répondu l’insolente :