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la vérité je ne l’eusse pas reçue avec la reconnaissance que j’avais toujours eue pour son affection ; mais il avait eu la bonté d’attribuer ma froideur au chagrin de ma situation, et au dessein de revenir par degrés, pour n’avoir pas trop à rougir de mes anciennes résistances. Voyez-vous à présent, ma chère amie, toute la bassesse de leurs artifices, dans les ménagemens qui me surprenaient dimanche dernier ? Voyez-vous la raison qui fit permettre au docteur Lewin de me rendre une visite ; mais qui lui fit défendre de toucher le sujet dont je m’imaginais qu’il était venu m’entretenir ? On lui aura fait croire apparemment que la discussion était inutile sur un point qu’on supposait accordé. Voyez aussi sous quels traits mon frère et ma sœur doivent avoir représenté leurs prétendues amitiés, dont ils jugent que l’apparence du moins est nécessaire à leurs vues ; tandis que, sans chercher à les trouver plus mal disposés qu’ils ne sont, je découvris, dans leurs yeux et dans leurs manières, moins d’affection pour moi que de haine. Aussi n’ai-je pu entendre le discours de ma tante sans lever au ciel les yeux et les mains. Je ne sais, lui ai-je dit, quel nom je dois donner à ce traitement, ni quelle fin l’on peut se proposer par des moyens si bas. Mais je n’ignore pas à qui je dois les attribuer. Celui qui peut avoir engagé mon oncle Harlove à jouer un tel rôle dans son injuste entreprise, et se procurer l’approbation de tous mes autres amis, doit avoir assez d’ascendant sur eux pour les porter à toutes sortes de rigueurs contre moi. Ma tante est revenue à me dire, qu’après avoir fait concevoir une juste attente, les propos, les plaintes, les invectives n’étoient plus de saison ; et qu’elle pouvait m’assurer que, si je reculais, mes affaires deviendraient pires que si je ne m’étais jamais avancée. Avancée ! Madame. Quelqu’un au monde peut-il dire que je me sois avancée ? C’est une basse et indigne ruse, qu’on emploie pour me surprendre. Pardon, ma très-chère tante ; je ne vous accuse pas d’y avoir eu part. Mais, dites moi seulement, ma mère ne sera-t-elle pas présente à cette redoutable entrevue ? Ne me fera-t-elle pas cette grace ?… ne fût-ce que pour vérifier… vérifier ! Ma chère. Votre mère et votre oncle Harlove ne voudraient pas, pour tout au monde, se trouver présens dans cette occasion. Eh ! Comment, madame, peuvent-ils donc regarder mon consentement à cette entrevue comme une avance ? Ma tante m’a paru embarrassée de cette réponse. Miss Clary, m’a-t-elle dit, il est difficile de traiter avec vous. Il serait heureux pour vous et pour tout le monde, que vous eussiez autant d’obéissance que d’esprit. Je vous quitte. Je me flatte, madame, que c’est sans colère. Ma seule intention était d’observer que, de quelque manière que l’entrevue réussisse, personne ne peut être trompé dans son attente. ô miss ! Vous me paroissez une jeune personne extrêmement déterminée… M Solmes sera ici à l’heure que vous avez marquée ; et souvenez-vous encore une fois, que de l’après-midi où nous touchons, dépend le repos de votre famille, et votre propre bonheur. Là-dessus, elle m’a quittée. Je m’arrête ici, sans pouvoir pénétrer quand il me sera permis de reprendre la plume, ni ce que j’aurai à vous communiquer dans ma