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de vos autres aversions, lorsqu’elle sera finie ; et vous rirez vous-même d’avoir pu concevoir des craintes si chimériques. Je lui ai répondu que tout ce qu’on s’imagine fortement, produit dans le temps plus d’effet qu’une simple imagination, quoique les autres puissent n’en pas juger de même : que je n’avais pas pris une heure de sommeil pendant toute la nuit : que l’impertinente à laquelle on m’avait soumise, était venue augmenter mon inquiétude, en me faisant entendre que je devais recevoir la visite de ma mère ; et qu’à ce compte je serais très-peu propre à voir ceux dont la vue ne pouvait m’être agréable. C’étoient là, m’a-t-elle dit, des mouvemens naturels qu’on ne pouvait empêcher. Elle supposait que cette dernière nuit n’avait pas été plus tranquille pour M Solmes que pour moi. à qui donc, madame, une entrevue si pénible des deux côtés doit-elle faire plaisir ? à tous deux, ma chère, comme tous vos amis osent l’espérer, lorsque ces premières agitations seront appaisées. C’est après les commencemens les plus redoutés que j’ai vu souvent naître les plus heureuses conclusions ; et je n’en prévais qu’une, qui sera la satisfaction des deux partis : celle-là, ma nièce, sera la dernière. Là-dessus, elle m’a représenté combien il serait malheureux pour moi de ne me pas laisser persuader par tous mes proches. Elle m’a exhortée à recevoir M Solmes avec la décence qui convenait à mon éducation. La crainte qu’il a de me voir, ne vient, m’a-t-elle dit, que de son respect et de son amour. C’est la meilleure preuve d’une véritable tendresse ; plus sûre du moins que l’ostentation et les bravades d’un amant qui n’a point d’autre titre que son arrogance. J’ai répondu à cette observation, que le naturel demandait particuliérement d’être considéré ; qu’un caractère noble agissait noblement, et ne faisait rien avec bassesse : qu’une ame basse était rampante, lorsqu’elle se proposait quelque avantage ; et d’une fierté insolente, lorsqu’elle avait le pouvoir en main, ou qu’elle n’était pas menée par quelque espérance. J’ai ajouté que ce n’était plus un point à traiter avec moi ; qu’il ne manquait rien aux explications que j’avais eues sur cette matière ; que l’entrevue était une loi dure, qui m’avait été imposée à la vérité par ceux qui étoient en droit d’exiger cette preuve de ma soumission, mais que je n’avais acceptée qu’avec une extrême répugnance, pour faire connaître combien j’étais éloignée de l’esprit de révolte, et que l’antipathie seule avait présidé à toutes mes résolutions : ce qui ne m’en faisait attendre que de nouveaux prétextes pour me traiter encore avec plus de rigueur. Elle m’a reproché une injuste prévention. Elle s’est étendue sur les devoirs d’une fille. Elle m’a fait la grâce de m’attribuer un grand nombre de bonnes qualités, mais auxquelles il manquait celle d’être plus docile, pour couronner toutes les autres. Elle a insisté sur le mérite de l’obéissance, indépendamment de mon goût et de mes propres désirs. à l’occasion de quelques mots par lesquels je lui faisais entendre que tout ce qui s’était passé entre M Solmes et moi n’avait fait qu’augmenter mon aversion, elle n’a pas fait difficulté de me dire, qu’il est d’un naturel facile et disposé à pardonner ; que rien n’approche du respect qu’il a pour moi ; et je ne sais combien d’autres propos de cette nature. De toute ma vie je ne me suis trouvée dans un si noir accès de chagrin. J’en ai fait l’aveu à ma tante, et je lui en ai demandé pardon. Elle m’a