Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un esprit borné, qui croit une femme folle, ou qui espère la rendre telle. " il se plaint de mon indifférence, qui ne lui permet de fonder l’espoir de me faire agréer ses soins que sur les mauvais traitemens que je reçois de mes amis. Au reproche que je lui ai fait de son caractère impétueux, il répond que, dans l’impossibilité absolue de se justifier, il a trop d’ingénuité pour l’entreprendre : que je le rends muet d’ailleurs, par une interprétation trop dure, qui me fait attribuer l’aveu de ses défauts à l’indifférence que je lui suppose pour sa réputation, plutôt qu’au désir de se corriger : qu’entre les objections qu’on a répandues jusqu’à présent contre ses mœurs, il n’en connaît point encore de justes, mais que désormais il est résolu de le prévenir. Quelles sont ses promesses demande-t-il ? C’est de se réformer par mon exemple : et quelle occasion aurait-il de les remplir, s’il n’avait point de vices, ou du moins, de vices considérables à réformer ? Il espère que l’aveu de ses fautes ne passera aux yeux de personne pour un mauvais signe, quoique ma sévère vertu m’en ait fait prendre cette idée. " il est persuadé qu’à la rigueur mon reproche est juste, sur les intelligences qu’il entretient, par voie de représailles, jusques dans le sein de ma famille. Aussi son caractère ne le porte-t-il guère à pénétrer dans les affaires d’autrui. Mais il se flatte que les circonstances peuvent le rendre excusable, sur-tout, lorsqu’il est devenu si important pour lui de connaître les mouvemens d’une famille déterminée à l’emporter contre moi, par le motif d’une injuste animosité qui ne regarde que lui. Pour se conduire avec la vertu d’un ange, dit-il, il faut avoir à faire à des anges : il n’a point encore appris la difficile leçon de rendre le bien pour le mal ; et s’il doit l’apprendre quelque jour, ce ne sera point par les traitemens que je reçois de certains esprits, qui prendraient plaisir, s’il s’abaissait devant eux, à le fouler aux pieds comme moi. " il s’excuse assez mal sur la liberté avec laquelle il lui est arrivé quelquefois de tourner en ridicule l’état du mariage. C’est une matière, dit-il, qu’il n’a pas traitée depuis quelque temps avec si peu de respect. Il reconnaît d’ailleurs qu’elle est rebattue, triviale ; que c’est un lieu commun, si vide de sens et si usé, qu’il meurt de honte de s’y être quelquefois arrêté. Il le traite de raillerie stupide contre les loix et le bon ordre de la société, qui rejaillit sur les ancêtres du mauvais plaisant ; et plus criminelle encore dans un homme tel que lui, qui peut faire valoir son origine et ses alliances, que dans ceux qui n’ont pas la même obligation à leur naissance. Il me promet de s’observer plus soigneusement dans ses paroles et dans ses actions, pour devenir plus digne de mon estime, et pour me convaincre que, s’il a jamais le bonheur auquel il aspire, les fondemens se trouveront jetés dans son ame pour l’édifice d’honneur et de vertu que j’y élèverai par mon exemple. " il me regarde comme perdue sans ressource, si je suis une fois menée chez mon oncle. Il représente avec les plus fortes couleurs la situation du lieu, les fossés qui l’environnent, la chapelle, l’animosité implacable de mon frère et de ma sœur, leur empire sur tout le reste de ma famille ; et, ce qui ne m’effraie pas moins, il me fait entendre ouvertement qu’il périra plutôt que de m’y laisser conduire. " vos obligeantes, vos généreuses sollicitations, ma chère amie, me feront trouver, dans la faveur de votre mère, l’unique moyen d’éviter des