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promenade vers ma volière. Mais, prenant tous deux un chemin plus court, ils y sont arrivés avant moi. Vous devriez, Clary, m’a dit mon frère, me faire présent de quelques-uns de vos oiseaux, pour ma basse-cour d’écosse. Ils sont à votre service, mon frère. Je vais choisir pour vous, a dit ma sœur ; et tandis que je leur jetais à manger, ils en ont pris une demi douzaine. J’ignore quel était leur dessein, et s’ils en ont eu d’autre que de montrer devant moi beaucoup de bonne humeur et d’affection mutuelle. Après le service divin, mes oncles ont pensé aussi à me donner quelque signe d’attention. Ils m’ont fait avertir, par Betty, qu’ils voulaient prendre le thé avec moi dans mon propre appartement. C’est à présent, me suis-je dit à moi-même, que les préliminaires vont commencer pour mardi. Cependant ils ont changé l’ordre du thé, et mon oncle Jules est le seul qui soit monté chez moi. L’air dont il est entré tenait également de la froideur et de l’affection. Je me suis avancée avec empressement, et je lui ai demandé sa faveur. Point de crainte, m’a-t-il dit, point d’inquiétude, ma nièce ; soyez sûre désormais de la faveur de tout le monde : nous touchons à l’heureuse fin, chère Clary. J’étais impatient de vous voir. Je ne pouvais me refuser plus long-temps cette satisfaction : et m’embrassant, il m’a nommée sa charmante nièce. Cependant il a constamment évité de toucher au point intéressant. Tout va prendre une face nouvelle. Tout va s’arranger heureusement. Les plaintes vont finir. Vous êtes aimée de tout le monde : j’ai voulu d’avance vous faire ma cour, c’est son expression obligeante, vous voir, vous dire mille choses tendres. Le passé doit être oublié comme s’il n’était jamais arrivé. J’ai hasardé quelques mots sur le déshonneur que je reçois de ma prison. Il m’a interrompue : du déshonneur, ma chère ? Ah ! Ce ne sera jamais votre partage ; votre réputation est trop bien établie. Je mourais d’envie de vous voir, a-t-il répété ; je n’ai vu personne de la moitié si aimable, depuis cette longue séparation. Il a recommencé à baiser mes joues, que je sentais brûlantes de chagrin et d’impatience. Je ne pouvais soutenir d’être jouée si cruellement. De quelle reconnaissance étois-je capable pour une visite qui ne me semblait qu’une ruse trop humble, dans la vue de m’engager adroitement pour mardi, ou de me faire paraître inexcusable aux yeux de tout le monde ? ô frère artificieux ! Je reconnais tes inventions. Là-dessus, ma colère me faisait rappeler son triomphe et celui de ma sœur, lorsqu’ils avoient affecté de me suivre, de se marquer tant d’amitié, et qu’en me nommant Clary et leur sœur, avec une condescendance forcée, j’avais cru voir dans leurs yeux plus d’aversion que de tendresse. Croyez-vous qu’avec ces réflexions, j’aie pu regarder la visite de mon oncle comme une grande faveur ? J’en ai jugé comme je le devais ; et le voyant attentif à prévenir toutes sortes d’explications, j’ai affecté de suivre son exemple, et de ne lui parler que de choses indifférentes. Il a continué sur le même ton ; observant tout ce qui était autour de moi, tantôt un de mes petits ouvrages, tantôt un autre, comme s’il les eût vus pour la première fois ; baisant, par intervalles, la main qui les avait peints ou brodés ; moins pour les admirer, que pour écarter par cette diversion ce qu’il avait de plus présent dans l’esprit, et moi dans le cœur.