Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans des circonstances de cette nature, n’ait pas quelque domestique intelligent, sur la fidélité duquel elle puisse se reposer. Un poëte, ma chère, n’introduirait pas une angélique sans lui donner une confidente, relevée par quelque joli nom, ou du moins une vieille nourrice. J’ai lu à ma mère plusieurs endroits de vos lettres ; mais rien n’a fait tant d’impression sur elle que le dernier article de celle d’hier. Elle en est charmée ; elle m’a dit qu’il lui étoit impossible de vous refuser son cœur. J’allais profiter de cet heureux moment pour lui faire ma proposition, et la presser avec toute l’ardeur dont je suis capable, lorsque l’agréable Hickman est entré, en faisant ses révérences, et tirant tour-à-tour son jabot et ses manchettes. Je lui aurais joué volontiers le cruel tour de les chiffonner ; mais, saisissant une autre idée pour lui marquer mon chagrin, n’y a-t-il donc ici personne, ai-je dit ? Et depuis quand entre-t-on sans se faire annoncer ? Il m’a demandé pardon. Il est demeuré dans le dernier embarras, incertain s’il devait tenir bon ou se retirer. Ma mère, avec sa pitié ordinaire, a remarqué qu’après tout nous n’avions rien de secret, et l’a prié de s’asseoir. Vous connaissez sa respectueuse hésitation, lorsqu’il est une fois décontenancé. Avec… votre… permission, mademoiselle, en s’adressant à moi. Hé oui, oui, monsieur, asseyez-vous, si vous êtes fatigué ; mais que ce soit, s’il vous plaît, près de ma mère : j’aime que mon panier ait toute sa rondeur, et je ne sais à quoi cet incommode ajustement est bon, si ce n’est à nettoyer les souliers sales, et à tenir dans l’éloignement les gens incivils. étrange fille ! S’est écriée ma mère, d’un air assez mécontent : et prenant un ton plus doux pour lui, oui, M Hickman, asseyez-vous près de moi ; je n’ai point de ces folles parures qui empêchent les honnêtes gens de s’approcher. J’ai pris un visage sérieux, et j’étais bien aise au fond du cœur que ce discours de ma mère ne s’adressât point à votre oncle Antonin. Avec sa liberté de veuve, elle n’aurait pas manqué, j’en suis sûre, de ramener fort prudemment le premier sujet de notre entretien, et de vouloir montrer même à son favori l’article de votre lettre qui est si fort en sa faveur. Elle avait déjà commencé à lui dire qu’il avait beaucoup d’obligation à Miss Clarisse, et qu’elle pouvait l’en assurer. Mais j’ai demandé aussi-tôt à M Hickman, s’il n’avait rien appris de nouveau par ses dernières lettres de Londres. C’est une question par laquelle je suis accoutumée à lui faire entendre que je souhaite de changer de sujet. Je ne la lui fais jamais que dans cette vue ; et pourvu qu’il se taise alors, je ne suis pas fâchée qu’il ne me réponde pas. Je n’étais pas d’avis de faire devant lui l’ouverture de ma proposition, sans savoir un peu mieux comment elle sera reçue de ma mère ; parce que, si je ne la trouve pas bien disposée, je le garde lui-même comme une ressource que je veux employer dans cette occasion. D’un autre côté, je ne me soucie pas beaucoup de lui avoir obligation, si je puis l’éviter. Un homme, qui a des vues telles que les siennes, fait l’important, et prend un air si affairé lorsqu’une femme consent à l’employer, qu’il fait perdre patience. Mais si je ne trouve pas aujourd’hui l’occasion de m’expliquer, je la ferai naître demain. Pourquoi voudriez-vous que j’ouvrisse le paquet dans votre absence ? Votre conduite n’a pas besoin d’être justifiée à mes yeux ; et par les extraits que vous m’avez