Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

par ses échos et ses creux murmures. Quelquefois la solitude fait mes uniques délices. Que je trouve de secours pour la méditation, dans le silence de la nuit, dans la fraîcheur de l’air, dans le spectacle du lever ou du coucher du soleil ! Quelquefois, lorsque je suis sans dessein et que je n’attends point de lettres, je suis assez officieuse pour prendre avec moi Betti. Il m’est arrivé aussi de l’appeler pour me suivre, lorsque je n’ignorais pas qu’elle était employée d’un autre côté et qu’elle ne pouvait venir. Voilà mes principales ressources ; mais je les subdivise, et j’en compose une infinité d’autres, en changeant les noms et les formes. Elles ont toujours, non-seulement de la vraisemblance, mais même de la vérité, quoiqu’elles soient rarement mon principal motif. Que les mouvemens de la volonté sont agiles ! Que la répugnance cause de pesanteur et fait naître de difficultés ! Le moindre obstacle, qui favorise le dégoût, est une masse de plomb attachée aux pieds, qui les rend immobiles. Vendredi, à onze heures du matin. J’ai déjà fait un paquet d’une partie de mon linge. Ce n’est pas sans avoir beaucoup souffert pendant tout le temps que j’y viens d’employer : et je souffre encore de la seule pensée que cette précaution soit devenue nécessaire. Lorsque vous le recevrez, aussi heureusement que je l’espère, ayez la bonté de l’ouvrir. Vous y trouverez deux autres paquets cachetés ; l’un qui contient les lettres que vous n’avez pas vues, c’est-à-dire, celles que j’ai reçues depuis la dernière fois que je vous ai quittée ; l’autre qui est le recueil des lettres, des copies de lettres et de tout ce que nous nous sommes écrit, entre vous et moi, depuis le même tems ; avec quelques autres papiers, sur divers sujets si supérieurs à moi, que je ne puis souhaiter qu’ils tombent jamais sous des yeux moins indulgens que les vôtres. Si mon jugement mûrit avec l’ âge, je me déterminerai peut-être à les revoir. Dans une troisième division, qui est aussi cachetée, vous trouverez toutes les lettres de M Lovelace, depuis qu’on lui a interdit l’entrée de cette maison, et les copies de toutes mes réponses. J’attends de votre amitié que vous ouvrirez le dernier paquet, et qu’après avoir lu tout ce qu’il contient, vous me direz librement ce que vous pensez de ma conduite. Remarquez, en passant, que je ne reçois pas un mot de cet homme-là ; pas un seul mot. Ma réponse fut mise au dépôt mercredi. Elle y demeura jusqu’au lendemain. Je ne saurais vous dire à quelle heure elle fut levée hier, parce que je ne pris pas la peine de m’en instruire jusqu’au soir. Elle n’y était plus alors. Point de réplique aujourd’hui à dix heures ! Je le suppose d’aussi mauvaise humeur que moi. De tout mon cœur. Il aurait peut-être l’ame assez basse, s’il avait jamais quelque pouvoir sur moi, pour se venger des peines que je lui ai causées. Mais, à présent, j’ose assurer qu’il n’en aura pas l’occasion. Je commence à le connaître, et je me flatte que nous sommes également dégoûtés l’un de l’autre. Mon cœur est dans une tranquillité inquiete , si je puis hasarder cette expression : inquiete, à cause de l’entrevue que j’appréhende avec Solmes, et des conséquences dont je suis menacée ; sans quoi, je serais parfaitement tranquille : car enfin je n’ai pas mérité le traitement que je reçois ; et si je pouvais me défaire de