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m’attribuait autrefois que pour m’en faire honneur, deviennent aujourd’hui un sujet de reproche. Cependant il faudra bien qu’on m’apprenne, par quelque voie, le résultat d’une si longue conférence. En vérité, ma chère, mon désespoir est si vif, que je crains d’ouvrir la lettre de M Lovelace. Dans l’horreur où je suis, si j’y trouvais quelque expédient, je serais capable de prendre un parti dont je me repentirais peut-être le reste de mes jours. Je reçois à ce moment la lettre suivante, par les mains de Betty. Miss la rusée, votre admirable proposition n’a pas été jugée digne d’une réponse particulière. C’est une honte pour votre oncle Harlove de s’être laissé surprendre. N’avez-vous pas quelque nouveau tour d’adresse pour votre oncle Antonin ? Jouez-nous l’un après l’autre, mon enfant, tandis que vous y êtes si bien disposée. Mais je reçois ordre de vous écrire, deux lignes seulement, afin que vous n’ayez pas occasion de me reprocher, comme à votre sœur, des libertés que vous vous attirez. Tenez-vous prête à partir : vous serez demain conduite chez votre oncle Antonin. Me suis-je expliqué clairement ? James Harlove. Ce trait m’a pénétrée jusqu’au vif ; et, dans la première chaleur de mon ressentiment, j’ai fait la lettre suivante pour mon oncle Harlove, qui se propose de passer ici la nuit. à M Jules Harlove.

monsieur, " je me trouve, sans le savoir, une bien méprisable créature. Ce n’est point à mon frère, c’est à vous, monsieur, que j’ai écrit : c’est de vous que j’espère l’honneur d’une réponse. Personne n’a plus de respect que moi pour ses oncles. Cependant j’ose dire, que toute grande qu’est la distance d’un oncle à sa nièce, elle n’exclut pas cette espérance. Je ne crois pas non plus que ma proposition mérite du mépris. " pardon, monsieur, j’ai le cœur plein. Peut-être reconnaîtrez-vous quelque jour que vous vous êtes laissé vaincre (hélas ! En puis-je douter ?) pour contribuer à des traitemens que je n’ai pas mérités. Si vous avez honte, comme mon frère me le fait entendre, de m’avoir marqué quelque sentiment de tendresse, je m’abandonne à la pitié du ciel, puisque je n’en dois plus attendre de personne. Mais que je reçoive du moins une réponse de votre main ; je vous en supplie très-humblement. Jusqu’à ce que mon frère daigne se rappeler ce qu’il doit à une sœur, je ne recevrai aucune réponse de lui à des lettres que je ne lui ai pas écrites, ni aucune sorte de commandement. J’attendris tout le monde ! C’est, monsieur, ce qu’il vous a plu de me marquer. Hélas ! Qui ai-je donc attendri ? Je connais quelqu’un, dans la famille, qui a, pour toucher, des méthodes bien plus sûres que les miennes ; sans quoi, il ne serait pas parvenu à faire honte à tout le monde, d’avoir donné quelques marques de tendresse à un malheureux enfant de la même famille. " de grâce, monsieur, ne me renvoyez pas cette lettre avec mépris, ou déchirée, ou sans réponse. Mon père a ce droit, et tous ceux qu’il lui plaît d’exercer sur sa fille. Mais personne de votre sexe ne doit traiter si durement