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L’auriez-vous cru. Betty m’apprend d’avance que je dois être refusée. " je ne suis qu’une méchante et artificieuse créature. On n’a eu que trop de bonté pour moi. Mon oncle Harlove s’y est laissé prendre ; c’est l’expression. Ils avoient prévu ce qui ne manquerait pas d’arriver, s’il me voyait ou s’il lisait mes lettres. On lui a fait honte de sa facilité. Le bel honneur qu’ils se feraient aux yeux du public, s’ils me prenaient au mot ! Ce serait donner lieu de croire qu’ils n’auraient employé la rigueur que pour m’amener à ce point. Mes amis particuliers, sur-tout Miss Howe, ne manqueraient point de donner cette explication à leur conduite ; et moi-même, je ne cherche qu’à leur tendre un piège, pour fortifier mes argumens contre M Solmes. Il est surprenant que mon offre ait paru mériter un instant d’attention, et qu’on ait pu s’en promettre quelque avantage pour la famille. Elle blesse les loix et toute sorte d’équité. Miss Bella et M Solmes auraient de belles sûretés pour un bien dans lequel j’aurais toujours le pouvoir de rentrer ! Elle et mon frère, mes héritiers ! ô la fine créature ! Promettre de renoncer au mariage, lorsque Lovelace est si sûr de moi, qu’il le déclare ouvertement ! Une fois mon mari, n’aurait-il pas droit de réclamer les dispositions de mon grand-père ? Et puis, quelle hardiesse, quelle insolence, (Betty m’a lâché tout ce détail par degrés, et vous reconnaîtrez les acteurs à leurs expressions) dans une fille justement disgraciée pour sa révolte ouverte, de vouloir prescrire des loix à toute la famille ? Quel triomphe pour son obstination, de donner ses ordres, non, d’une prison, comme je l’avais nommée, mais du haut de son trône, à ses aînés, à ses supérieurs, à son père même et à sa mère ! Chose étonnante, qu’on ait pu s’arrêter à quelque discussion sur un plan de cette nature ! C’est un chef-d’ œuvre de finesse. C’est moi-même, en perfection. Apparemment que mon oncle ne s’y laisserait pas prendre une seconde fois ". Betty s’est laissé engager d’autant plus facilement à me faire ce récit, qu’étant contraire à mes espérances, elle ne l’a cru propre qu’à me mortifier. Comme j’ai cru comprendre, dans le cours d’une si belle récapitulation, que quelqu’un avait parlé en ma faveur, j’ai voulu savoir d’elle à qui j’avais cette obligation ; elle a refusé de me l’apprendre, pour m’ ôter la consolation de penser qu’ils ne sont pas tous déclarés contre moi. Mais ignoriez-vous donc, ma chère, quelle monstrueuse créature vous honorez de votre amitié ? Vous ne pouvez douter de l’influence que vous avez sur moi, pourquoi ne m’avez-vous pas appris plutôt à connaître un peu mieux ? Pourquoi la même liberté que j’ai toujours prise avec vous, ne vous a-t-elle pas encore portée à me déclarer mes défauts, et sur-tout celui d’une si misérable hypocryte ? Si mon frère et ma sœur ont été capables de cette découverte, comment est-elle échappée à des yeux aussi pénétrans que les vôtres ? Il paraît qu’à présent leurs délibérations roulent sur la manière de me répondre, et sur le choix de leur écrivain ; car ils ignorent et ils ne doivent pas savoir que Betty m’ait si bien informée. L’un demande qu’on le dispense de m’écrire ; un autre ne veut pas se charger de m’écrire des choses dures ; un autre est las d’avoir à faire à moi ; et s’engager dans une dispute par écrit avec une fille qui ne fait qu’abuser de la facilité de sa plume, c’est s’exposer à ne jamais finir. Ainsi, les qualités qu’on ne