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rentrant : seigneur ! Miss, qu’avez-vous fait ? Qu’avez-vous écrit ? Votre lettre a causé tant de bruit et de mouvement ! Ma sœur, ne fait que de me quitter. Elle est montée tout en feu ; ce qui m’a obligée subitement d’abandonner ma plume. Elle est accourue à moi. Furieux esprit ! M’a-t-elle dit en me frappant assez rudement sur le cou ; voilà donc le point où vous aspiriez ! Me battez-vous, Bella ? Est-ce vous battre que de vous toucher doucement l’épaule ? En me frappant encore, mais avec plus de douceur. Nous nous y étions bien attendus. Il vous faut de l’indépendance. Mon père a vécu trop long-temps pour vous. J’allais répondre avec force ; mais elle m’a fermé la bouche de son mouchoir. Votre plume en a dit assez. âme basse que vous êtes ! Venir écouter les discours d’autrui ! Mais, sachez que votre systême d’indépendance et celui de vos visites seront également rejetés. Suivez, fille perverse, suivez vos glorieuses inclinations. Appelez votre libertin au secours, pour vous dérober à l’autorité de vos parens, et pour vous soumettre à la sienne. N’est-ce pas votre dessein ? Mais il est question de vous disposer au départ. Voyez ce que vous voulez prendre avec vous. C’est demain qu’il faut partir, demain ; comptez là-dessus. Vous ne demeurerez pas ici plus long-temps, à veiller, à tourner autour des gens, pour entendre ce qu’ils disent. C’est une résolution prise, mon enfant, vous partirez demain. Mon frère voulait monter lui-même pour vous le déclarer. Mais je vous ai rendu le service de l’arrêter, car je ne sais ce que vous seriez devenue s’il était monté. Une lettre ! Un défi de cette présomption et de cette insolence ! Vaine créature que tu es ! Mais préparez-vous, je le répète ; vous partez demain. Mon frère accepte votre audacieux défi. Apprenez seulement qu’il sera personnel, chez mon oncle Antonin… ou peut-être chez M Solmes. Dans la passion qui la faisait presque écumer, elle aurait continué long-temps, si la patience ne m’était échappée. Finissons toutes ces violences, lui ai-je dit. Si j’avais pu prévoir dans quel dessein vous êtes venue, vous n’auriez pas trouvé ma porte ouverte. Prenez ce ton avec les gens qui vous servent. Quoique j’aie, grâces au ciel, assez peu de ressemblance avec vous, je n’en suis pas moins votre sœur : et je vous déclare, que je ne partirai ni demain, ni le jour suivant, ni celui d’après, si l’on ne m’entraîne avec violence. Quoi ? Si votre père, si votre mère vous le commandent ? Attendons qu’ils le fassent, Bella ; je verrai alors ce qu’il me conviendra de répondre. Mais je ne partirai point sans en avoir reçu l’ordre de leur propre bouche, et non de la vôtre ou de celle de votre Betty. Que je vous entende ajouter un mot sur le même ton, et vous verrez que, sans consulter les suites, je saurai m’ouvrir un passage jusqu’à eux, et leur demander ce que j’ai fait pour mériter cet indigne traitement. Venez, mon enfant ; venez, la douceur même, (me prenant par la main, et me conduisant vers la porte) allez leur faire cette question : vous trouverez ensemble ces deux objets de votre mépris. Quoi ! Le cœur vous manque ? (car l’indignation de me voir traînée insolemment me faisait résister, et m’avait fait arracher ma main de la sienne.) je n’ai pas besoin de guide, lui ai-je dit ; j’irai seule, et votre invitation