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Vous me demandez, d’un air assez indécent pour un frère, si je n’ai pas quelques nouvelles offres à proposer ? J’en ai trois ou quatre, depuis votre question, et je les crois effectivement nouvelles, quoique j’ose dire qu’au jugement de toute personne impartiale, que vous ne préviendrez pas contre moi, les anciennes ne devaient pas être rejetées. C’est du moins ce que je pense : pourquoi ne l’écrirais-je pas ? Vous n’avez pas plus de raison pour vous offenser de cette liberté, sur-tout, lorsque dans votre dernière lettre vous paroissez faire gloire d’avoir engagé ma mère et ma tante Hervey contre moi, que je n’en ai d’être fâchée de l’indigne traitement que je reçois d’un frère. Voici donc ce que j’ai de nouveau à proposer : premiérement, qu’il me soit libre d’aller au lieu que je viens de nommer, sous les conditions qui me seront prescrites et que je promets d’observer religieusement. Je ne lui donnerai pas même le nom de ma terre

je n’ai que trop de raisons

de regarder comme un malheur, qu’elle ait jamais été à moi. Si je n’obtiens pas cette permission, je demande celle d’aller passer un mois, ou le tems qu’on jugera convenable, chez Miss Howe. Si je ne suis pas plus heureuse sur cet article, et qu’absolument je doive être chassée de la maison de mon père, qu’on me permette du moins d’aller chez ma tante Hervey, où je serai inviolablement soumise à ses ordres et à ceux de mon père et de ma mère. Mais, si cette grâce même m’est refusée, ma très-humble demande est d’être envoyée chez mon oncle Jules, aulieu de mon oncle Antonin : non, que j’aie pour l’un moins de respect que pour l’autre ; mais, la situation du château, ce pont qu’on menace de lever, et cette chapelle peut-être, malgré le ridicule que vous avez voulu jeter sur mes craintes, m’épouvantent au-delà de toute expression. Enfin, si l’on refuse aussi cette proposition, et s’il faut aller dans une maison qui me paroissait autrefois délicieuse, je demande de n’être pas forcée d’y recevoir les visites de M Solmes. à cette condition, je pars avec autant de joie que jamais. Telles sont, monsieur, mes nouvelles propositions. Si vous trouvez qu’elles répondent mal à vos vues, parce qu’elles tendent toutes à l’exclusion de votre client, je ne vous dissimulerai pas qu’il n’y a pas d’infortune que je ne sois déterminée à souffrir, plutôt que de donner ma main à un homme pour lequel je ne puis jamais avoir que de l’aversion. Vous remarquerez sans doute quelque changement dans mon style : mais un juge impartial, qui saurait ce que le hasard m’a fait entendre depuis une heure de votre bouche, et de celle de ma sœur, particulièrement la raison qui rend aujourd’hui vos persécutions si pressantes, me croirait parfaitement justifiée. Faites réflexion, monsieur, qu’après m’être attiré tant de railleries outrageantes par mes invocations plaintives , il est tems, ne fut-ce que pour imiter d’aussi excellens exemples que les vôtres et ceux de ma sœur, que j’établisse un peu mon caractère, et que, pour vous résister à tous deux, je me rapproche du vôtre, autant que mes principes me le permettront. J’ajouterai, pour vider mon carquais femelle , que vous ne pouvez avoir eu d’autre raison pour me défendre de vous répliquer, après m’avoir écrit tout ce qu’il vous a plu, que le témoignage de votre propre cœur,