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vous vous convaincrez par vous-même, que ce n’est ni caprice ni prévention qui me gouverne. Que du moins je ne sois pas chassée de votre maison ! M Solmes peut aller et venir, suivant les désirs de mon père. Je ne demande que la liberté de me retirer lorsqu’il paraîtra, et j’abandonne le reste à la providence. Pardonnez, mon frère, s’il y a quelque apparence d’art dans la voie que je prends pour m’adresser à un père et une mère, lorsqu’il m’est défendu de leur écrire et de m’approcher d’eux. Il est bien dur pour moi d’être réduite à cette ressource ! Pardonnez aussi, avec la générosité d’un cœur noble et la tendresse qu’un frère doit à sa sœur, une franchise que j’ai peut-être poussée trop loin dans ma dernière lettre. Quoique depuis quelque temps vous m’ayez fait attendre de vous peu de faveur et de compassion, je ne laisse pas de vous demander ces deux sentimens, parce que je n’ai pas mérité que vous me les refusiez. Vous n’êtes que mon frère, aussi long-temps que, grâce au ciel, mon père et ma mère vivent pour le bonheur de leur famille ; mais je suis persuadée que vous avez le pouvoir de rendre la paix à votre malheureuse sœur. Clarisse Harlove. Betty m’est venu dire que mon frère a déchiré ma lettre, et qu’il se propose de me faire une réponse capable de me réduire au silence ; d’où je dois conclure que j’aurais pu toucher le cœur de quelqu’un, si le sien avait moins de dureté. Que le ciel lui pardonne !



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

jeudi au soir, 23 de mars. Je vous envoie la lettre dont j’étais menacée, et qui vient d’être remise entre mes mains. Mon frère, ma sœur, mon oncle Antonin, et M Solmes, sont ensemble, me dit-on, à relire la copie, avec toute la joie d’un triomphe, comme une pièce victorieuse à laquelle ils ne craignent point de réponse. Si je vous écris encore une fois, mon inflexible sœur, c’est pour vous faire savoir que la jolie invention que vous avez employée pour faire passer vos pathétiques lamentations par mes mains jusqu’à mon père et ma mère, n’a pas eu l’effet que vous en espériez. Je vous assure que votre conduite n’a pas été représentée sous de fausses couleurs. Il n’en est pas besoin. Votre mère, qui est si ardente à saisir l’occasion d’expliquer favorablement tout ce qui vient de vous, s’est vue forcée, comme vous ne l’ignorez pas, de vous abandonner entiérement. Ainsi l’expédient de travailler sous ses yeux est tout-à-fait inutile. Vos ruses plaintives lui sont insupportables : c’est par ménagement pour elle qu’il vous est défendu de paraître en sa présence ; et vous n’y reparoîtrez jamais qu’aux conditions qu’il lui plaira de vous imposer. Il s’en est peu fallu que vous n’ayez fait une dupe de votre tante Hervey. Elle ne descendit hier de chez vous que pour plaider en votre faveur. Mais lorsqu’on lui eut demandé ce qu’elle avait obtenu de vous, elle regarda autour d’elle, sans avoir rien à répondre. Votre mère surprise aussi par le tour d’adresse que vous avez joué sous mon nom, (car ne me défiant pas de votre ingénieux subterfuge, j’ai commencé à lire la