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Lorsque vous aurez lu cette réponse, vous me direz, ma chère, ce que vous pensez de moi. Il me semble que je ne profite pas mal de vos leçons.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

jeudi matin, 23 de mars. Ma lettre a causé bien du trouble. Personne n’avait quitté le château cette nuit. On avait souhaité que mes oncles fussent présens, pour donner leurs avis sur ma réponse, si je refusais de me soumettre à des ordres qu’on croyait si raisonnables. Betty raconte que mon père, dans sa première fureur, parlait de monter à ma chambre, et de me chasser sur le champ de sa maison. On n’a pu le retenir qu’en lui faisant entendre que c’était répondre à mes vues perverses, et m’accorder ce qui faisait sans doute l’objet de tous mes désirs. Enfin ma mère et ma tante ayant représenté qu’au fond j’avais été blessée par les premières mesures, on a conclu que mon frère m’écrirait d’un style plus modéré ; et comme j’ai déclaré que, sans le commandement d’une autorité supérieure je ne recevrais plus de ses lettres, ma mère a pris la peine d’écrire les deux lignes suivantes, pour tenir lieu d’adresse : " Clary, recevez et lisez cette lettre avec la modération qui convient à votre sexe, à votre caractère, à votre éducation et au respect que vous nous devez. Vous y ferez une réponse adressée à votre frère. " Charlotte Harlove. Jeudi matin. J’écris encore une fois, malgré l’impérieuse défense de ma petite sœur. Votre mère le veut absolument, pour vous ôter tout prétexte d’excuse, si vous persistez dans votre pervivacité . Je crains bien, miss, que ce mot ne m’attire le nom de pédant . On veut flatter jusqu’à la moindre apparence de cette délicatesse qui vous faisait admirer de tout le monde… avant que vous eussiez connu Lovelace. Cependant j’avouerai sans peine, puisque votre mère et votre tante le désirent, (elles auraient du penchant à vous favoriser si vous ne leur en ôtiez le pouvoir) que je puis m’être attiré votre réponse par quelques expressions peu ménagées. Remarquez néanmoins qu’elles la trouvent très- indécente . Vous voyez, miss, que je m’essaie à prendre un langage poli, lorsque vous paroissez l’abandonner. Voici de quoi il est question. On vous prie, on vous demande en grâce, on vous supplie (lequel de ces termes trouvez-vous agréable, Miss Clary ?) de ne pas faire difficulté d’aller chez votre oncle Antonin. Je vous répète de bonne foi que c’est dans les vues que je vous ai expliquées par ma dernière ; sans quoi il est à présumer qu’on n’aurait pas besoin de vous prier , de vous demander en grâce , de vous supplier . C’est une promesse qu’on a faite à M Solmes, qui ne cesse point d’être votre avocat, et qui s’afflige de vous voir renfermée, parce qu’il regarde cette contrainte comme la source de votre aversion pour lui. S’il ne vous trouve pas mieux disposée en sa faveur, lorsque vous serez délivrée de ce que vous nommez votre prison, il prendra le parti de renoncer à vous, quelque peine qu’il lui en puisse