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Je vous apprendrai honnêtement les motifs de cette résolution : il y en a deux ; l’un, pour s’assurer que vous n’entretiendrez plus de correspondance illicite ; car on sait de Madame Howe, que vous êtes en commerce de lettres avec sa fille, et peut-être avec quelque autre, par son entremise ; le second, pour vous mettre en état de recevoir les visites de M Solmes, que vous avez jugé à propos de refuser ici, et pour vous donner le moyen, dont vous vous êtes privée jusqu’à présent, de connaître quel homme et quels avantages votre obstination vous a fait rejeter. Si quinze jours de conversation avec M Solmes, et tout ce que vos amis ne cesseront point de vous représenter en sa faveur, n’empêchent pas que vous ne demeuriez endurcie par vos correspondances clandestines, vous convaincrez tout le monde que l’ amor omnibus idem de Virgile (pour l’intelligence duquel je vous renvoie à votre traduction des géorgiques , par Dryden ) se vérifie dans vous, comme dans tout le reste de la création animale , et que vous ne pouvez ou que vous ne voulez pas renoncer à votre prévention en faveur du sage, du vertueux, du pieux Lovelace. (je fais, voyez-vous, tous mes efforts pour vous plaire !) alors on examinera s’il convient de satisfaire cet honorable caprice, ou de vous abandonner pour toujours. Comme votre départ est une chose réglée, on espère que vous vous y déterminerez de bonne grâce. Votre oncle n’épargnera rien pour vous faire trouver de l’agrément dans sa maison. Mais, à la vérité, il ne vous promettra pas de tenir toujours le pont levé. Les personnes que vous verrez, outre M Solmes, seront, moi-même, si vous m’accordez tant d’honneur ; votre sœur, et, suivant la conduite que vous tiendrez avec M Solmes, votre tante Hervey et votre oncle Jules. Cependant les deux derniers pourront bien se dispenser de vous voir, si vous leur faites craindre d’être fatigués par vos invocations plaintives . Betty Barnes est nommée pour vous servir. Et je dois vous dire, miss, que votre dégoût pour cette honnête fille, ne nous donne pas plus mauvaise opinion d’elle ; quoique, dans le désir qu’elle aurait de vous obliger, elle regarde comme un malheur de vous déplaire. On vous demande un mot de réponse, pour savoir si vous êtes disposée à partir de bonne grâce. Votre indulgente mère, m’ordonne de vous assurer, de sa part, que les visites de M Solmes, pendant quinze jours, sont aujourd’hui tout ce qu’on exige de vous. Je suis, comme il vous plaira de le mériter, votre, etc. James Harlove. Ainsi, ma chère, voilà le chef-d’ œuvre de la politique de mon frère. Consentir de bonne grâce à me rendre chez mon oncle, pour y recevoir ouvertement les visites de M Solmes. Une chapelle, une maison écartée. Toute correspondance impossible avec vous. Nulle ressource pour la fuite, si l’on employait la violence pour me lier avec un homme odieux. Quoiqu’il fût assez tard lorsque j’ai reçu cette insolente lettre, j’ai fait sur le champ ma réponse, afin que mon frère la puisse recevoir demain à son réveil. Vous en trouverez ici la copie, et vous y verrez combien j’ai été choquée de son outrageante érudition et de ses invocations plaintives . D’ailleurs, comme l’ordre de me tenir prête à partir est au nom de mon père et de mes oncles, le juste ressentiment que je marque est en même-tems un petit trait de l’art dont on m’accuse pour justifier mon refus, que mon frère et ma sœur ne manqueraient pas de faire passer