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que M Lovelace fut assez généreux, non-seulement pour saisir l’occasion qu’on lui offrait, mais encore pour l’augmenter. Cependant il jugea aussi qu’il était à propos de toucher la question ; mais ce ne fut, dit-elle à ma tante, qu’après l’avoir jetée, par divers degrés, dans un tel excès de mauvaise humeur, qu’il lui fut impossible de se remettre sur le champ. Il reprit son discours en homme qui attend une réponse décisive, sans lui laisser le temps de revenir à elle-même, et sans faire aucun effort pour l’adoucir ; de sorte qu’elle se vit dans la nécessité de persister dans son refus. Cependant elle lui donna quelques raisons de croire qu’elle ne désapprouvait pas sa recherche, et qu’elle n’était dégoûtée que de la forme ; en se plaignant qu’il adressât ses soins à sa mère, plus qu’à elle-même, comme s’il eût été sûr de son consentement dans toutes sortes de circonstances. J’avoue qu’un tel refus pouvait être pris pour un encouragement ; et tout le reste de sa réponse fut dans le même goût : " peu d’inclination pour un changement d’état, souverainement heureuse comme elle était, pouvait-elle être jamais plus heureuse" ? Et d’autres négatives, que je crois pouvoir nommer un consentement, sans faire tomber néanmoins mes réflexions sur ma sœur : dans ces circonstances, que peut dire une jeune fille, lorsqu’elle a lieu de craindre qu’un consentement trop prompt ne l’expose au mépris d’un sexe qui n’estime le bonheur qu’il obtient qu’à proportion des difficultés qu’il lui coûte ? La réponse de Miss Bidulphe à quelques vers d’un homme qui reprochait à notre sexe d’aimer le déguisement, n’est pas trop mauvaise, quoique vous la puissiez trouver un peu libre de la part d’une femme :

"Sexe peu généreux,… etc. "

je suis obligée de quitter ici la plume ; mais je compte la reprendre bientôt.



LETTRE III Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

13 et 14 janvier.

Telle fut la réponse de ma sœur, et M. Lovelace eut la liberté de l’interpréter comme il le jugeait à propos. Ce fut avec les apparences d’un vif regret, qu’il prit le parti de se rendre à des raisons si fortes. Je suis bien trompée, ma chère, si cet homme n’est un franc hypocrite." tant de résolution dans une jeune personne ! Une fermeté si noble ! Il fallait donc renoncer à l’espérance de faire changer des sentimens qu’elle n’avait adoptés qu’après une mûre délibération ? Il soupira, nous a dit ma sœur, en prenant congé d’elle. Il soupira profondément. Il se saisit de sa main. Il y attacha ses lèvres avec ardeur ! Il se retira d’un air si respectueux ! Elle l’avait encore devant les yeux ; toute piquée qu’elle étoit, il s’en fallut peu qu’elle ne fût sensible à la pitié". Bonne preuve de ses intentions, que cette pitié ; puisque dans ce moment il y avait peu d’apparence qu’il vînt lui renouveller ses offres. Après avoir