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grande opinion de l’habileté de ma mère dans tout ce qui regarde les testamens, les contrats de mariage et les autres affaires de cette nature. Madame Larkin demeure à dix-sept milles de nous. Ma mère, qui ne peut se résoudre à coucher hors de sa maison, se propose de partir fort matin, pour revenir le soir. Ainsi, je compte d’être demain à votre service depuis le commencement du jour jusqu’à la fin, et je ne serai au logis pour personne. à l’égard de mon incommode, je lui ai mis dans la tête d’escorter les deux dames, pour ramener ma mère avant la nuit. Je ne connais que les occasions de cette nature, où ces gens-là soient bons à quelque chose, pour donner à notre sexe un petit air de vanité et d’assurance dans les lieux publics. Je me souviens de vous avoir fait entendre que je ne serais pas fâchée de voir une alliance entre ma mère et ce Monsieur Hikman. En vérité, je répète ici mes souhaits. Qu’importe une différence de quinze ou vingt ans ? Sur-tout lorsqu’une femme se porte assez bien pour faire espérer qu’elle sera long-temps jeune, et lorsque le galant est un homme si sage ! De bonne foi, je crois que je l’aimerais autant pour mon père qu’à tout autre titre. Ils ont une extrême admiration l’un pour l’autre. Mais il me vient une meilleure idée, pour l’homme du moins, et plus convenable du côté de l’ âge. Que dites-vous, ma chère, de faire un compromis avec votre famille, par lequel vous leur offririez de rejeter vos deux hommes, et d’agréer le mien ? Si vous n’en êtes, pour l’un des deux, qu’au goût conditionnel,

l’idée ne saurait vous déplaire. Il n’y manque que votre approbation. Sous ce jour, quels égards n’aurai-je pas pour Monsieur Hickman ? Plus, d’une bonne moitié, que sous l’autre. Ma folle veine est ouverte : la laisserai-je couler ? Qu’il est difficile de résister aux foibles naturels ! Hickman me paraît bien plus conforme à votre goût, qu’aucun de ceux qui vous ont été proposés jusqu’à présent. C’est un homme si sage, si grave ! Et tant d’autres qualités ! D’ailleurs ne m’avez-vous pas dit que c’est votre favori ? Mais peut-être ne l’honorez-vous de tant d’estime, que parce qu’il a celle de ma mère. Je ne doute pas qu’il ne crût gagner beaucoup au change, du moins s’il n’est pas plus imbécille que je ne le crois. Hé ! Mais, votre fier amant l’aurait bientôt assommé. Voilà ce que j’oubliois. Pourquoi, ma chère, suis-je incapable d’écrire sérieusement, lorsqu’il est question de cet Hickman ? C’est une fort bonne espèce d’homme, après tout. Mais en est-il de parfaits ? Encore une fois, c’est un de mes foibles, et un sujet que je vous donne pour gronder. Vous me croyez fort heureuse dans le point de vue qui a rapport à lui. Comme le ridicule traitement qu’on vous fait essuyer vous remplit le cœur d’amertume, vous trouvez du moins supportable ce qui serait fort éloigné de vous le paroître dans une autre situation. J’ose dire qu’avec tous vos airs graves, vous ne voudriez pas de lui pour vous-même ; à moins que, se présentant avec Solmes, vous ne fussiez obligée de prendre l’un des deux. C’est une épreuve à laquelle je vous mets : voyons ce que vous aurez à dire là-dessus. Pour moi, je vous avoue que j’ai de grandes objections à faire contre Hickman. Lui et le mariage sont deux choses qui n’entrent point ensemble dans ma tête. Vous expliquerai-je librement ce que je pense