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sans que je l’en eusse priée ; mais que je paroissais approuver son jugement par mon silence. ô Bella, lui ai-je dit, plût au ciel que M Lovelace vous eût prise au mot ! Votre jugement se serait exercé pour votre propre intérêt, et nous aurions été toutes deux fort heureuses. Est-ce ma faute, je vous prie, s’il en est arrivé autrement ? Ce discours l’a rendue furieuse, jusqu’à me donner des noms injurieux. Eh quoi, ma sœur ! Ai-je repris, vous paroissez fachée ? Comme si deux mots si simples renfermaient plus de sens que je n’ai peut-être eu dessein de leur en donner. Mes vœux sont sincères pour vous, comme pour moi et pour toute la famille. Qu’ai-je donc dit de si piquant ? Ne me donnez pas lieu de soupçonner, chère Bella, que j’ai trouvé le véritable nœud de la conduite que vous tenez avec moi, et qui est inexprimable jusqu’à présent de la part d’une sœur. Fi, fi, Miss Clary ! M’a dit ma tante. Les railleries outrageantes ne faisant qu’augmenter dans la bouche de ma sœur, prenez garde, lui ai-je dit encore, que vous ne soyez moins propre à lancer des traits qu’à les recevoir. Si je voulais me servir de vos propres armes, je vous conseillerais de voir un moment quelle pauvre figure cette étoffe fait sur votre épaule. Fi, fi, Miss Clary ! A répété ma tante. C’est à Miss Harlove, madame, que vous auriez dit fi, fi , si vous aviez entendu la moitié seulement de ses barbares insultes. Descendons, madame, a dit ma sœur avec une extrême violence. Laissons enfler cette créature, jusqu’à ce qu’elle crève de son propre venin. Dans la colère où je suis, c’est la dernière fois que je veux la voir. Si j’avais le cœur assez bas, lui ai-je dit, pour suivre un exemple que je condamne, il m’est si facile de faire tourner ces outrages à votre confusion, qu’il me paraît surprenant que vous osiez vous y exposer. Cependant, Bella, puisque vous êtes prête à descendre, soyez capable de me pardonner, et je vous pardonne aussi. Vous y êtes obligée doublement, et par votre qualité d’aînée, et par la cruauté que vous avez eue d’offenser une sœur qui est dans l’affliction. Puissiez-vous être heureuse, quoique je sois menacée de ne l’être jamais ! Puissiez-vous ne jamais éprouver la moitié de mes peines ! Votre consolation sera, du moins, de n’avoir pas une sœur qui soit capable de vous traiter comme vous m’avez traitée. Que tu es une… et sans me dire ce que j’étais, elle s’est précipitée vers la porte. Souffrez, madame, ai-je dit à ma tante, en me mettant à genoux devant elle, et serrant les siens de mes deux bras, souffrez que je vous retienne un moment, non pour me plaindre de ma sœur, qui doit trouver sa punition dans elle-même, mais pour vous remercier d’une bonté qui excite ma plus vive reconnaissance. Je vous demande seulement de ne pas attribuer à mon obstination la fermeté inébranlable que j’ai marquée pour une tante si chère, et de me pardonner tout ce que j’ai dit ou ce que j’ai fait de mal à propos sous vos yeux. Le ciel m’est témoin qu’il n’y est entré aucun fiel contre la pauvre Bella. J’ose dire que ni elle, ni mon frère, ni mon père même, ne connaissent pas le cœur qu’ils font saigner si cruellement. J’ai été bien consolée, ma chère Miss Howe, de voir quel effet l’absence de ma sœur a produit tout d’un coup. Levez-vous, ame noble ! Fille charmante ! (ce sont les obligeantes expressions de ma tante) ne demeurez