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sur votre cœur, quand vous n’en auriez pas fait honteusement l’aveu. Je n’ajoute qu’un mot. Si, pour l’honneur de la famille, je ne réussis pas à vous faire plier, ma résolution est de me retirer en écosse, et de ne voir de ma vie aucun de nos parens communs. James Harlove. Voilà un frère ! Voilà ce qu’on appelle du respect ardent pour un père, une mère et des oncles ! Mais il se voit traité en homme d’importance, et ses airs répondent à l’opinion qu’on a de lui.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

mercredi matin à neuf heures. Ma tante Hervey, qui a passé la nuit au château, sort à ce moment de ma chambre. Elle y est venue avec ma sœur. On n’a pas jugé à propos de lui accorder cette liberté sans un tel témoin. Lorsque je l’ai vue paraître, je lui ai dit que sa visite était une extrême faveur pour une malheureuse prisonnière. Je lui ai baisé la main. Elle a eu la bonté de m’embrasser, en me disant : pourquoi cette distance, ma chère nièce, avec une tante qui vous aime si tendrement ? Elle m’a déclaré qu’elle venait s’expliquer avec moi pour le repos de la famille ; qu’elle ne pouvait se persuader que si je ne m’étais pas crue traitée avec rigueur, moi qui avais toujours été d’un naturel si doux, j’eusse résisté avec cette constance aux ordres de mon père, et aux désirs de tous mes amis : que ma mère et elle croyaient devoir attribuer ma résolution à la manière dont on avait commencé avec moi, et à l’idée où j’étais que, dans l’origine, mon frère avait eu plus de part aux propositions de M Solmes, que mon père et mes autres amis : enfin qu’elles souhaitaient toutes deux de pouvoir me fournir quelque excuse raisonnable, pour revenir honnêtement de mon opposition. Pendant cet exorde, Bella chantonnait, ouvrait un livre et puis un autre, d’un air pensif, mais sans paraître disposée à se mêler à la conversation. Ma tante, après m’avoir représenté que mes résistances étoient inutiles, parce que l’honneur de mon père se trouvait engagé, s’est jetée sur les loix de mon devoir, avec plus de force que je ne m’y serais attendue si ma sœur n’avait pas été présente. Je ne répéterai pas quantité d’argumens, qui reviennent à ceux dont vous devez être lasse de part et d’autre. Mais il faut vous instruire de tout ce qui a quelque air de nouveauté. Lorsqu’elle a cru me trouver inflexible, (c’est son expression) elle m’a dit que, de son côté, elle ne dissimulait pas que M Solmes et M Lovelace lui paroissaient deux hommes qui devaient être également congédiés ; mais que pour satisfaire mes amis, je n’en étois pas moins obligée de songer au mariage, et qu’elle penchait assez pour M Wyerley. Elle m’a demandé ce que je pensais de M Wyerley. Oui, Clary, a dit ma sœur, en s’approchant, que dites-vous de M Wyerley ? J’ai pénétré aussi-tôt l’artifice. On voulait me mettre dans la nécessité de m’expliquer, pour tirer de ma réponse une preuve de ma prévention absolue en faveur de M Lovelace. Le piège était d’autant plus adrait, que M Wyerley publie hautement l’estime qu’il a pour moi, et que, du côté du caractère comme de celui de la figure, il a beaucoup d’avantages sur