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Auriez-vous marqué plus de fermeté, ma chère ? Et n’êtes-vous pas surprise que je m’en sois trouvé tant ? Je m’attendais à voir tomber sa main sur moi. Elle l’a tenue quelque tems levée, et la colère étouffait sa voix : ensuite, se précipitant vers la porte, elle a descendu la moitié de l’escalier. Mais elle est remontée sur ses pas ; et lorsqu’elle a pu parler, elle a invoqué le ciel, pour lui demander de la patience. amen, ai-je dit. Mais vous voyez, Bella, que vous ne prenez pas tranquillement une réplique que vous vous êtes attirée. êtes-vous capable de me pardonner ? Rendez-moi ma sœur ; et je regretterai beaucoup ce que j’ai dit, si vous en êtes offensée. Sa violence n’a fait qu’augmenter. Elle a regardé ma modération comme une espèce de triomphe sur son emportement. Elle étoit résolue, m’a-t-elle dit, de faire connaître à tout le monde que je prenais parti contre mon frère pour le misérable Lovelace. Je lui ai répondu assez malignement, que j’aurais souhaité de pouvoir alléguer pour ma défense ce qu’elle pouvait dire pour la sienne ; qu’à la vérité ma colère était plus inexcusable que mes jugemens. Mais ne pouvant croire que sa visite n’eût pas d’autre motif que ce qui s’était passé jusqu’alors entre nous, je l’ai priée de me déclarer naturellement si elle avait quelque proposition à me faire que je pusse entendre avec plaisir, quelque chose à me dire qui pût me donner l’espérance de retrouver une amie dans ma sœur. Elle était venue au nom de toute la famille, a-t-elle repris d’un air imposant, pour savoir, de ma propre bouche, si j’étais enfin déterminée à l’obéissance. Un mot suffisait ; elle ne me demandait qu’oui ou non ; on n’était pas disposé à prendre plus long-temps patience avec une créature si perverse. Et bien ! Lui ai-je dit, je promets devant Dieu, de rompre absolument avec l’homme qui vous déplaît à tous, sous la seule condition qu’on ne me fasse point un devoir d’accepter M Solmes, ni d’autre homme. Qu’offrais-je de plus que ce que j’avais déjà offert ? La différence n’était que dans l’expression. Je prenais donc les autres pour autant d’hébêtés, que je croyais pouvoir tromper par de spécieuses promesses ? Si je connaissais d’autres propositions, qui pussent satisfaire tout le monde et me délivrer d’un homme qui me sera toujours insupportable, je ne balancerais pas à les employer. Il est vrai que j’ai déjà offert de ne me marier jamais sans le consentement de mon père… elle m’a interrompue : vous comptiez sur vos artifices pour amener mon père et ma mère à votre but. Triste sujet de confiance ! Lui ai-je dit ; et personne ne devait connaître mieux qu’elle, ceux qui étoient capables de s’y opposer. Elle ne doutait pas que je ne les eusse liés tous à mon char, si l’on ne m’avait ôté la liberté de les voir et de les séduire par mes jolis tours d’adresse. Du moins, Bella, vous m’apprenez à qui j’ai l’obligation du rigoureux traitement que j’essuie. Mais en vérité vous en faites des gens bien foibles. Une personne indiférente, qui jugerait de vous et de moi par vos discours, me prendrait pour une créature extrêmement artificieuse, ou vous pour une personne d’un bien mauvais caractère. Oui, oui, vous êtes une artificieuse créature, et une des plus artificieuses que j’aie jamais connue. Delà elle s’est jetée dans un détail d’accusations