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jamais sous la qualité d’une fille perverse. La célébration se faisant en secret, il sera tems ensuite de penser aux habits et à l’équipage. Ainsi disposez-vous à vous rendre chez votre oncle, un des premiers jours de la semaine qui vient. Vous ne paraîtrez devant nous qu’après la conclusion, et c’est une raison de plus pour bannir les délais, car nous sommes las du soin de vous garder dans une prison que vous avez méritée, et de perdre le temps à disputer avec une rebelle. Je n’écoute plus de représentations ; je ne reçois plus de lettres ; j’ai l’oreille fermée à toutes les plaintes, et vous n’entendrez plus parler de moi, jusqu’à ce que vous me soyez présentée sous un autre nom : c’est la dernière déclaration d’un père irrité. Si cette résolution est inébranlable, mon père a raison, ma chère, de dire qu’il ne me verra plus, car je ne serai jamais la femme de Solmes. Comptez que la mort m’épouvante beaucoup moins. Mardi au soir. Lui, cet odieux Solmes, est arrivé au château presqu’au moment que j’ai reçu la lettre de mon père. Il m’a fait demander la permission de me voir ; je suis extrêmement étonnée de cette audace ! J’ai répondu à Betty, qui était chargée du message, qu’il commence par me rendre un père et une mère qu’il m’a fait perdre, et j’examinerai alors si je dois entendre ce qu’il veut de moi. Mais si mes amis refusent de me voir à son occasion, je le verrai encore moins pour l’amour de lui-même. J’espere, miss, m’a dit Betty, que vous ne voudriez pas que je descendisse avec cette réponse ; il est avec monsieur et madame. Allez, lui ai-je répété dans mon chagrin, et dites-lui que je ne le verrai pas ; on me pousse au désespoir ; je n’ai rien à craindre. Elle est descendue, en affectant beaucoup de répugnance à se charger de ma réponse. Cependant elle l’a rendue dans toute sa force. Quel bruit j’ai entendu faire à mon père ! Ils étoient tous ensemble dans son cabinet. Mon frère a proposé de me mettre sur le champ hors de la maison, et de m’abandonner à Lovelace et à ma mauvaise destinée. Ma mère a eu la bonté de hasarder quelques mots en ma faveur, sans que j’aie bien pu les entendre ; mais voici la réponse. Ma chère, rien n’est si piquant que de voir prendre le parti d’une rebelle à une femme aussi sensée que vous. Quel exemple pour d’autres enfans ! N’ai-je pas eu pour elle autant d’affection que vous ? Et pourquoi suis-je changé ? Plût au ciel que votre sexe fût capable de quelque discernement ! Mais la folle tendresse des mères n’a jamais fait que des enfans endurcis. Ma mère n’a pas laissé de blâmer Betty, comme cette créature me l’a confessé elle-même, d’avoir rapporté mot pour mot ma réponse ; mais mon père lui en a fait un sujet d’éloge. Cette fille dit qu’il serait monté en fureur à ma chambre, après avoir entendu que je refuse de voir M Solmes, si mon frère et ma sœur ne l’avoient engagé à se modérer. Que n’est-il monté ? Que ne m’a-t-il tuée pour finir toutes mes peines ? Je n’y regretterais que le mal qu’il aurait pu se faire à lui-même.

M Solmes a daigné plaider pour moi. Ne lui suis-je pas extrêmement obligée ? Toute la maison est en tumulte ; je ne sais quelle en sera la fin. Mais en vérité je suis lasse de la vie. Hélas ! Si heureuse il y a quelques semaines,