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fait entrer de nouveaux avantages en faveur de la famille qui n’y étoient pas la première fois que votre tante vous en a parlé. C’est plus, en vérité, que nous n’aurions pensé à demander. Si vous croyez, après les avoir lus, qu’il y ait quelque changement à faire, on le fera volontiers. Allons, chère fille, déterminez-vous à les lire, ou plutôt, faites mieux ; priez-moi aujourd’hui ou demain de vous les envoyer. Comme la hardiesse qu’une certaine personne a eue de paraître à l’église, et ce qui nous revient continuellement de ses bravades, ne peut manquer de nous causer des inquiétudes qui dureront aussi long-temps que vous serez à marier, vous ne devez pas être étonnée qu’on ait pris la résolution d’abréger le tems. Ce sera d’aujourd’hui en quinze jours, si vous ne me faites point d’objection que je puisse approuver. Mais si vous vous déterminiez volontairement, on ne vous refuserait pas huit ou dix jours de plus. Vos délicatesses sur la personne vous feront peut-être trouver quelque inégalité dans cette alliance. Mais il ne faut pas non plus que vous attachiez tant de prix à vos qualités personnelles, si vous ne voulez pas qu’on vous croie trop frappée du même avantage dans un autre homme, quelque méprisable que cette considération soit en elle-même. C’est le jugement qu’un père et une mère en doivent porter. Nous avons deux filles qui nous sont également chères ; pourquoi Clarisse trouverait-elle de l’inégalité dans une alliance où sa sœur aînée n’en trouverait pas, ni nous pour elle, si M Solmes nous l’eût demandée la première ? Faites-nous donc connaître que vous vous rendez à nos désirs. Votre retraite cesse aussi-tôt. On oublie toutes vos résistances passées. Nous nous reverrons tous heureux, dans vous, et les uns dans les autres. Vous pouvez descendre à ce moment dans le cabinet de votre père, où vous nous trouverez tous deux, et où nous vous donnerons notre avis sur les étoffes, avec les marques d’une cordiale tendresse, et notre bénédiction. Soyez une fille honnête et sensible, ma chère Clarisse, telle que vous l’avez toujours été. Votre dernière conduite, et le peu d’espoir que diverses personnes ont de votre changement, ne m’ont point empêchée de faire encore cette tentative en votre faveur. Ne trahissez pas ma confiance, très-chère fille. J’ai promis de ne plus employer ma médiation entre votre père et vous, si cette dernière entreprise est sans succès. Je vous attends donc, mon amour. Votre père vous attend aussi. Mais tâchez de ne lui laisser voir aucune trace de chagrin sur votre visage. Si vous venez, je vous serrerai, dans mes bras et sur mon tendre cœur, avec autant de plaisir que j’en aie jamais eu à vous embrasser. Vous ne savez pas, ma fille, tout ce que j’ai souffert depuis quelques semaines, et vous ne le concevrez un jour que lorsque vous vous trouverez dans ma situation. C’est celle d’une mère tendre et indulgente, qui adresse nuit et jour ses prières au ciel, et qui s’efforce, au milieu du trouble, de conserver la paix et l’union dans sa famille. Mais vous connaissez les conditions. Ne venez point, si vous n’êtes pas résolue de les accomplir. C’est ce que je crois impossible, après tout ce que je viens d’écrire. Si vous venez immédiatement avec un visage tranquille, qui fasse connaître que votre cœur est rangé au devoir, (vous m’avez assurée qu’il était libre ; souvenez-vous-en), je serai, comme je l’ai dit, et je vous témoignerai, par les plus tendres marques, que je suis votre mère véritablement affectionnée .