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honneur. Mais tout peut prendre encore une bonne face ; de votre simple volonté, ma chère enfant, dépend le bonheur présent de votre famille. Votre père me permet de vous dire que, si vous voulez répondre enfin à ses espérances, les mécontentemens passés seront éteints dans l’oubli, comme s’il n’en avait jamais été question ; mais il m’ordonne aussi de vous déclarer que c’est pour la dernière fois que le pardon vous est offert. Je vous ai fait entendre, comme vous ne sauriez l’avoir oublié, qu’on avait demandé à Londres les échantillons de ce qu’il y a de plus riche en étoffes. Ils sont arrivés ; et votre père, pour faire connaître à quel point il est déterminé, veut que je vous les envoie. J’aurais souhaité qu’ils n’eussent point accompagné ma lettre ; mais, au fond, c’est ce qui importe assez peu. Je dois vous dire qu’on n’a plus autant d’égards pour votre délicatesse, que j’aurais désiré qu’on en eût autrefois. Ce sont les plus nouvelles, comme les plus riches étoffes, qu’on ait pu découvrir. On a voulu qu’elles fussent convenables au rang que nous tenons dans le monde, au bien que nous devons joindre à celui que votre grand-père vous a laissé, et au noble établissement qu’on vous destine. Votre père se propose de vous faire présent de six habits complets, avec tous les assortimens. Vous en avez un tout neuf, et un autre que je ne crois pas que vous ayez porté deux fois. Comme le neuf est fort riche, si vous voulez qu’il soit compris dans les six, votre père vous donnera cent guinées pour en remplacer la valeur. M Solmes est dans le dessein de vous offrir une garniture de diamans. Comme vous avez ceux de votre grand’mère et les vôtres, si vous aimez mieux les faire remonter dans le goût moderne, son présent sera converti dans une somme fort honnête, dont vous aurez la propriété, outre la pension annuelle pour vos menus plaisirs. Ainsi vos objections, contre le caractère d’un homme dont vous n’avez pas aussi bonne opinion que vous le devriez, ont désormais peu de poids ; et vous serez plus indépendante que ne devrait l’être une femme à qui l’on supposerait moins de discrétion. Vous savez parfaitement que moi-même, qui ai apporté plus de bien dans la famille que vous n’en donnez à M Solmes, je n’ai point eu des avantages si considérables. Nous avons cru devoir vous les ménager. Dans les mariages d’inclination, on insiste moins sur les termes. Cependant j’aurais regret d’avoir contribué à ces dispositions, si vous ne pouviez pas surmonter tous vos dégoûts pour nous obliger. Ne vous étonnez pas, Clary, que je m’explique avec cette ouverture. Votre conduite, jusqu’à présent, ne nous a guère permis d’entrer avec vous dans un si grand détail. Cependant, après ce qui s’est passé entre vous et moi dans nos entretiens, et par lettres entre vous et vos oncles, vous ne doutez pas quelles doivent être les suites. Il faut, ma fille, que nous renoncions à notre autorité, ou vous à votre humeur. Il n’est pas naturel que vous vous attendiez à l’un, et nous avons toutes les raisons du monde de nous attendre à l’autre. Vous savez combien je vous ai dit de fois que vous devez vous résoudre à recevoir M Solmes, ou à n’être plus regardée comme un de nos enfans. On vous fera voir, quand vous le voudrez, une copie des articles. Il nous paraît qu’ils sont à l’épreuve de toutes sortes d’objections. On y a