Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/152

Cette page n’a pas encore été corrigée

Si je suis capable de quelque discernement, nos caractères et nos inclinations se ressemblent fort peu. Vous serez moins heureux avec moi qu’avec toute autre personne de mon sexe. Le traitement que j’essuie, et l’opiniâtreté, puisqu’on lui donne ce nom, avec laquelle j’y résiste, doivent suffire pour vous en convaincre, quand je n’aurais pas une aussi bonne raison à donner, que l’impossibilité de recevoir un mari que je ne puis estimer. Ainsi, monsieur, si vous ne vous sentez pas assez de générosité pour sacrifier quelque chose en ma faveur, souffrez que, pour l’amour de vous-même et de votre propre bonheur, je vous demande la grâce de renoncer à moi et de placer vos affections dans quelque sujet qui le mérite mieux. Pourquoi voudriez-vous me rendre misérable sans être plus heureux ? Vous pouvez dire à ma famille que, n’ayant aucun espoir, si vous avez la complaisance d’employer ce terme, de faire impression sur mon esprit (réellement, monsieur, il n’y a point de vérité qui soit plus certaine), vous êtes résolu de ne plus penser à moi, et de tourner vos vues d’un autre côté. En vous rendant à ma prière, vous acquerrez des droits sur ma reconnaissance, qui m’obligeront d’être toute ma vie, votre très-humble servante, Clarisse Harlove. à Miss Clarisse Harlove, de la part de son très-humble esclave.

très-chère miss, votre lettre a produit sur moi un effet tout contraire à celui que vous paroissiez en attendre. En me faisant l’honneur de m’apprendre votre disposition, elle m’a convaincu plus que jamais de l’excellence de votre caractère. Donnez à ma recherche le nom d’intérêt propre, ou tout autre nom, je suis résolu d’y persister ; et je m’estimerai heureux, si, à force de patience, de persévérance et de respect, ferme et inaltérable, je puis surmonter enfin les difficultés. Comme vos bons parens, vos oncles et vos autres amis, m’ont donné parole que vous n’aurez jamais M Lovelace, s’ils peuvent l’empêcher, et que je suppose qu’il n’y en a point d’autres dans mon chemin : j’attendrai patiemment la fin de cette affaire. Je vous en demande pardon, miss ; mais vouloir que je renonce à la possession d’un trésor inestimable, pour rendre un autre heureux, et pour lui faciliter les moyens de me supplanter, c’est comme si quelqu’un venait me prier d’être assez généreux pour lui donner toutes mes richesses, parce qu’elles seraient nécessaires à son bonheur. Je vous demande pardon encore une fois, chère miss ; mais je suis résolu de persévérer, quoique je sois bien fâché que vous en ayez quelque chose à souffrir, comme vous me faites l’honneur de me le dire. Avant le bonheur de vous voir, je n’avais pas encore vu de femme que j’eusse pu aimer ; et tandis qu’il me restera de l’espérance, et que vous ne serez point à quelque homme plus heureux, je dois être et serai votre fidèle et obéissant admirateur, Roger Solmes. M James Harlove, à Miss Clarisse.

la belle imagination, d’écrire à M Solmes pour lui persuader de renoncer à ses prétentions sur vous ! De toutes les jolies idées romanesques qui vous sont passées par la tête, c’est assurément une des