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CLARISSE


HARLOVE


PAR RICHARDSON




LETTRE PREMIÈRE


miss anne howe, à miss clarisse harlove.


10 janvier.


Vous ne doutez pas, ma très chère amie, que je ne prenne un extrême intérêt aux troubles qui viennent de s’élever dans votre famille. Je sais combien vous devez vous trouver blessée de devenir le sujet des discours du public. Cependant il est impossible que, dans une aventure si éclatante, tout ce qui concerne une jeune personne sur qui ses qualités distinguées ont fixé l’attention générale, n’excite pas la curiosité et les réflexions de tout le monde : je brûle d’en apprendre les circonstances de vous-même, et celles de la conduite qu’on a tenue avec vous à l’occasion d’un accident que vous n’avez pu empêcher, et dans lequel, autant que j’ai pu m’en éclaircir, c’est l’agresseur qui se trouve maltraité.

M. Diggs que j’ai fait appeler, à la première nouvelle de ce fâcheux évènement, pour m’informer de l’état de votre frère, par le seul intérêt que je prends à ce qui vous touche, m’a dit qu’il n’y avait rien à craindre de la blessure, s’il ne survenait aucun danger de la fièvre qui semble augmenter par le trouble de ses esprits. M. Wyerley prit hier le thé avec nous ; et quoique fort éloigné, comme on le suppose aisément, de prendre parti pour M. Lovelace, lui et M. Symes blâmèrent votre famille du traitement qu’elle lui a fait lorsqu’il est allé en personne s’informer de la santé de votre frère, et marquer le chagrin qu’il ressent de ce qui s’est passé. Ils disent que M. Lovelace n’a pu éviter de tirer l’épée ; et que, soit défaut d’habileté, soit excès de violence, votre frère s’est livré dès le premier coup. On assure même que M. Lovelace lui a dit, en s’efforçant de se retirer : « Prenez garde à vous, M. Harlove, votre emportement vous met hors de défense ; vous me donnez trop d’avantage. En