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d’imiter cet exemple. Si vous n’y êtes pas disposée, ceux qui vous le donnent n’en sont que plus en droit de vous trouver inexcusable. Remarquez cela, ma nièce. Vous parlez de votre frère d’un ton méprisant ; et dans la lettre que vous lui écrivez, vous n’êtes pas assez respectueuse ; non plus que dans celle que vous écrivez à votre sœur. C’est votre frère, après tout, qui est plus âgé que vous d’un tiers. C’est un homme. Lorsque vous avez tant de considération pour une connaissance d’un an , ayez la bonté, je vous prie de ne pas oublier ce qui est dû à un frère, qui est, après nous, le chef de la famille, et de qui dépend, en un mot, le nom, comme de votre juste complaisance dépend le plus noble plan qu’on ait jamais formé pour l’honneur de ceux dont vous sortez. Je vous demande si l’honneur de votre famille n’en est pas un pour vous ? Si vous ne le pensez pas, vous n’en êtes que moins digne. On vous fera voir le plan, à condition que, bon ou mauvais, vous promettiez de le lire sans préjugé. Si l’amour ne vous a pas troublé le cerveau, je suis sûr que vous l’approuverez. Mais si vous êtes malheureusement dans cet état-là, M Solmes fût-il un ange, cela ne servirait de rien ; le diable est l’amour, et l’amour est le diable, lorsqu’une femme se le met dans la tête. J’en ai vu plusieurs exemples. quand M Solmes serait le seul homme qui existât dans la nature, vous ne voudriez pas de lui. vous ne voudriez pas, miss ! En vérité, cela est charmant. Nous voyons combien il y a d’amertume en effet dans votre esprit. Ne soyez pas surprise, puisque vous en êtes à déclarer des volontés si absolues, que ceux qui ont de l’autorité sur vous disent à leur tour : nous voulons que vous ayez M Solmes. Je suis du nombre. Remarquez bien cela. Et s’il vous convient de dire non , il nous convient à nous de dire oui. Ce qui est bon pour monsieur est bon pour madame. mettez encore cela au nombre de vos remarques. J’appréhende humblement que M Solmes ne soit un homme, et un homme d’honneur . Gardez-vous par conséquent de le pousser trop. Il est aussi touché de pitié pour vous, que d’amour. Il répète sans cesse qu’il vous convaincra de son amour par des actions, puisqu’il ne lui est pas permis de l’exprimer par des paroles ; et toute sa confiance pour l’avenir est dans votre générosité. Nous supposons en effet qu’il peut s’y fier. Nous l’exhortons à le croire, et cela soutient son courage ; de sorte que c’est à votre père et à vos oncles qu’il faut vous prendre de sa constance. Vous sentez bien que ce doit être encore une marque de votre obéissance. Vous devez sentir qu’en me disant, comme vous faites, qu’il y aurait de l’injustice à recevoir les articles qui vous sont offerts, votre réflexion tombe sur votre père et sur nous. Il y a, dans votre lettre, quantité d’autres endroits qui ne méritent pas moins de censure ; mais nous les attribuons à ce que vous nommez l’amertume

de votre cœur. Je suis bien aise que vous nous ayez fourni ce mot, parce que nous aurions été embarrassés à trouver un autre nom, et qu’on pourrait en employer de moins favorables. Je n’ai pas cessé de vous aimer tendrement, miss ; et, quoique ma nièce, je vous regarde comme une des plus charmantes filles que j’aie jamais vues. Mais, sur ma conscience, je vous crois obligée d’obéir à votre père et à votre mère, et d’avoir de la complaisance pour votre oncle Jules et