Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/148

Cette page n’a pas encore été corrigée

doivent être que pour ceux qui les méritent ; et je suis d’avis qu’on ne saurait avoir assez de rigueur contre les fautes volontaires. Quant à son amour, il n’en a que trop, si vous le mesurez à la conduite que vous avez tenue dans ces derniers tems. Je ne fais pas difficulté de vous le dire. Et c’est son malheur, comme il pourra bien arriver que ce soit quelque jour le vôtre. Pour son avarice, que vous appelez méchamment diabolique

mot assez libre, je vous en

réponds, dans la bouche d’une jeune fille, il vous convient moins qu’à personne de lui faire ce reproche, vous, à qui, de son seul mouvement, il propose de donner tout ce qu’il possède au monde ; preuve qu’avec tout son amour pour les richesses, il en a encore plus pour vous. Mais, afin qu’il ne vous reste aucune excuse de ce côté-là, nous le lierons par des articles que vous dicterez vous-même, et nous l’obligerons à vous assigner une somme honnête, dont vous disposerez entièrement. C’est ce qu’on vous a déjà proposé, et ce que j’ai dit à la bonne et digne Madame Howe, en présence de sa fille hautaine, dans la vue que cela passât jusqu’à vous. Lorsqu’il est question de répondre sur la prévention dont on vous accuse pour Lovelace, vous offrez de ne jamais le prendre sans notre consentement. Cela signifie clairement que vous conserverez l’espérance de nous amener au point, à force d’attendre et de nous fatiguer. Il ne perdra pas les siennes, aussi long-temps qu’il vous verra fille. Et pendant ce tems-là vous ne cesserez pas de nous tourmenter ; vous nous mettrez dans la nécessité de veiller continuellement sur vous, et nous n’en serons pas moins exposés à son insolence et à ses menaces. Souvenez-vous de dimanche dernier. Que serait-il arrivé, si votre frère et lui s’étoient rencontrés à l’église ; faut-il vous dire aussi que vous ne ferez pas d’un esprit tel que le sien, ce que vous pouvez espérer du digne M Solmes. Vous faites trembler l’un : l’autre vous fera trembler vous-même ; remarquez bien cela. Vous n’aurez personne alors à qui vous puissiez avoir recours. S’il arrivait quelque mésintelligence entre vous et M Solmes, nous pourrions tous nous entremettre, et ce ne serait pas sans effet. Mais avec l’autre on vous dirait : tirez-vous d’affaire ; vous l’avez bien mérité. Personne ne voudrait, ou n’oserait ouvrir la bouche en votre faveur. Il ne faut pas, ma nièce, que la supposition de ces querelles domestiques vous épouvante. L’heureux mois du mariage n’est aujourd’hui que de quinze jours. C’est un drôle d’état, mon enfant, soit qu’on y entre par soi-même, ou par la direction de ses parens. De trois frères que nous sommes, il n’y en a qu’un, comme vous le savez, qui ait eu le courage de se marier. Et pourquoi, à votre avis ? Parce que l’expérience d’autrui nous a rendus sages. N’ayez pas tant de mépris pour l’argent. Vous en apprendrez peut-être la valeur. C’est une connaissance qui vous manque, et que, de votre propre aveu, M Solmes est capable de vous donner. Je condamne assurément votre chaleur. Je ne passe rien à des chagrins que vous vous attirez vous-même. Si j’en croyais la cause injuste, je serais volontiers votre avocat : mais c’est un de mes anciens principes, que les enfans doivent être soumis à l’autorité de leurs parens. Lorsque votre grand-père vous laissa une bonne partie de sa succession, quoique ses trois fils, un petit-fils, et votre sœur ainée fussent existans, nous y acquiesçâmes tous. Il suffisait que notre père l’eût voulu. C’est à vous