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parle le premier dans sa cause, dit le sage, paraît avoir raison

mais son voisin vient ensuite, et l’examine

. Je serai ici votre voisin, et je vais examiner votre cœur jusqu’au fond, du moins si votre lettre est écrite du fond du cœur. Cependant je conçois que c’est une entreprise, parce que votre adresse est assez connue dans l’écriture. Mais comme il est question de défendre l’autorité d’un père, le bien, l’honneur et la prospérité de la famille d’où l’on est sorti, il serait bien surprenant qu’on ne pût renverser tous les beaux argumens par lesquels un enfant rebelle veut soutenir son obstination. Vous voyez que j’ai une sorte de répugnance à vous donner le nom de Miss Clary Harlove . Premièrement, ne convenez-vous pas (et cela malgré la déclaration contraire que vous avez faite à votre mère) que vous préférez l’homme que nous haïssons tous, et qui nous le rend bien ; ensuite quel portrait faites-vous d’un digne homme ? Je m’étonne que vous osiez parler si librement d’un homme pour lequel nous avons tous du respect. Mais c’est peut-être par cette raison même. Comme vous commencez votre lettre ! Parce que je vous ai recommandé M Solmes comme mon ami, vous l’en traitez plus mal. C’est le vrai sens de votre beau langage, miss. Je ne suis pas si sot que je ne m’en aperçoive bien. Ainsi donc, un put… reconnu doit-être préféré à un homme qui aime l’argent ? Souffrez que je vous le dise, ma nièce, cela ne convient pas trop à une personne aussi délicate qu’on vous l’a toujours crue. Qui commet le plus d’injustice, croyez-vous, d’un homme qui prodigue, ou d’un homme qui épargne ; l’un garde son propre argent ; l’autre dépense celui d’autrui. Mais votre favori est un homme sans défaut. Votre sexe a le diable au corps. Je demande pardon à Dieu de l’expression. La plus délicate d’entre vous autres femmes préférera un libertin, un put… , je suppose qu’il ne faut pas répéter ce vilain mot. Le mot offenserait, tandis que le vicieux qui est nommé par ce mot, plaît et obtient la préférence. Je ne serais pas demeuré garçon jusqu’aujourd’hui, si je n’avais remarqué ce tas de contradictions dans toutes autant que vous êtes. Des coureuses de moucherons et des avaleuses de chamaux , comme dit fort bien la vénérable sainte écriture. Quels noms la perversité ne donne-t-elle pas aux choses ? Un homme prudent, qui a l’intention d’être juste à l’égard de tout le monde, est un avare ; tandis qu’un vil débauché sera baptisé du nom de galant homme, d’homme poli, je vous en réponds. On ne m’ ôtera pas de la tête que Lovelace n’aurait jamais autant de considération pour vous qu’il en affecte, sans deux raisons. Et quelles sont-elles ? Son dépit contre nous, c’en est une. L’autre, c’est votre fortune indépendante. Il est à souhaiter que votre grand-père, en faisant ce qu’il a fait, ne vous eût pas accordé tant de pouvoir, comme je le puis dire. Mais il ne pensait guère que sa petite-fille bien-aimée en eût abusé contre tous ses parens, comme elle a fait. que peut espérer M Solmes, si vous avez le cœur prévenu ? oui-dà, ma nièce, Clary ? C’est donc vous qui parlez de la sorte ? N’a-t-il donc rien à espérer de la recommandation de votre père et de votre mère, et de la