Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/140

Cette page n’a pas encore été corrigée

de m’en écarter ? Est-ce le moyen, monsieur, par lequel on se promet de faire impression sur un esprit libre et ouvert ? Une si étrange méthode n’est-elle pas plus capable d’endurcir que de convaincre ? Je ne saurais vivre dans une si douloureuse situation. à peine les domestiques qu’on avait eu la bonté de soumettre à mes ordres ont-ils la hardiesse de me parler. Ma propre servante est congédiée, avec des marques éclatantes de soupçon et de mécontentement : on me soumet à la conduite d’une servante de ma sœur. La rigueur peut être poussée trop loin. Je vous le dis de bonne foi, monsieur ; et chacun se repentirait alors de la part qu’il y aurait eue. M’est-il permis de proposer un expédient ? Si je dois être observée, bannie, renfermée, que ce soit, monsieur, dans votre maison. Alors, du moins, l’étonnement diminuera parmi les honnêtes gens du voisinage, de ne plus voir à l’église une personne dont ils n’avoient pas mauvaise opinion, et de voir sa porte fermée à leurs visites. Je me flatte qu’il n’y a point d’objection à faire contre cette idée. Vous preniez plaisir, monsieur, à me voir chez vous dans un temps plus heureux. N’aurez vous pas la bonté de m’y souffrir dans mes disgrâces, jusqu’à la fin de ces malheureux troubles ? Je vous donne ma parole de ne pas mettre le pied dehors, si vous me le défendez, et de ne voir personne sans votre consentement, pourvu que vous ne m’ameniez pas M Solmes, pour continuer ses persécutions. Procurez-moi cette faveur, mon cher oncle, si vous ne pouvez en obtenir une plus grande encore, qui serait celle d’une heureuse réconciliation. Cependant mes espérances se ranimeront, lorsque vous commencerez à plaider pour moi ; et vous mettrez le comble à ces anciennes bontés qui m’obligent d’être toute ma vie, etc. . Cl Harlove. Réponse. Dimanche au soir. C’est un grand chagrin pour moi, ma chère nièce, qu’il y ait quelque chose au monde que je sois forcé de vous refuser. Cependant tel est le cas où je suis ; car, si vous ne faites pas un effort sur vous-même, pour vous obliger dans un point sur lequel nous étions liés par des promesses d’honneur avant que nous eussions pu prévoir de si fortes oppositions, vous ne devez point vous attendre à redevenir jamais ce que vous avez été pour nous. En un mot, ma nièce, nous sommes une phalange en ordre de bataille . Vos lectures ne vous laissent ignorer que ce que vous devriez le mieux savoir ; ainsi cette expression vous fera juger que nous sommes impénétrables à vos persuasions, et d’une invincible résistance. Nous sommes convenus entre nous, que tous céderont, ou personne, et que l’un ne se laissera point fléchir sans l’autre. Ainsi vous connaissez votre destinée, et vous n’avez point d’autre parti que celui de vous rendre. Je dois vous représenter que la vertu d’obéissance ne consiste pas à obliger pour être obligée soi-même, mais à faire le sacrifice de son inclination, sans quoi, j’ignore où en serait le mérite. à l’égard de votre expédient, je ne puis vous recevoir chez moi, Miss Clary, quoique ce soit une prière que je ne me serais jamais imaginé devoir vous refuser. Quand vous seriez fidèle à ne voir personne