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tition de ce qu’elle m’a dit de plus dur dans nos conférences, il est inutile de vous fatiguer par des redites. J’ajouterai seulement qu’elle donne aussi des louanges à mon frère, et qu’elle me blâme de parler si librement de lui.




Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

Jeudi matin, 9 mars.

M Lovelace ne se rebute pas de mon silence. J’ai reçu de lui une autre lettre, quoique je n’aie pas répondu à la précédente.

Quelque moyen que cet homme ait l’art d’employer, il est instruit de tout ce qui se passe dans notre famille. Ma prison, le départ d’Hannah, plusieurs circonstances que j’ignore moi-même, du ressentiment et des résolutions de mon père, de mes oncles et de mon frère, il est informé de tout, au moment que les choses arrivent. Ce n’est point par de bonnes voies, ma chère, qu’il peut se procurer ces informations. Son inquiétude paraît extrême. Il me parle de sa passion pour moi et de son ressentiment contre ma famille dans les termes les plus violens. Il me presse beaucoup de lui engager ma parole que je ne serai jamais à M Solmes. Je crois qu’honnêtement je puis lui faire cette promesse. Il me prie " de ne pas croire qu’il cherche à se faire un mérite aux dépens d’autrui, puisqu’il se propose d’obtenir mon cœur par le sien, ni qu’il pense à m’attirer dans ses intérêts par la crainte. Mais il déclare que le traitement qu’il reçoit de ma famille est si insupportable, que tous ses amis, sans excepter milord M et ses deux tantes, lui reprochent perpétuellement de ne pas s’en ressentir ; et s’il a le malheur, dit-il, de ne recevoir de moi aucun sujet d’espérance, il ne peut me répondre des extrémités où son désespoir est capable de le porter ". Il ajoute " qu’à la vérité ses proches, sur-tout les dames, lui conseillent d’avoir recours aux loix ; mais quel moyen pour un homme d’honneur, de répondre par cette voie à des injures verbales, de la part des gens qui ont droit de porter une épée " ?

Vous voyez, ma chère, que ce n’est pas sans raison que ma mère appréhende comme moi quelque nouveau malheur et qu’elle m’a offert indirectement le ministère de Chorey pour porter ma réponse.

Il s’étend beaucoup sur les sentimens de bonté dont les dames de sa famille sont remplies pour moi. Je n’en suis pas connue personnellement, excepté de Miss Patty Montaigu, que je me souviens d’avoir vue une fois chez Madame Knolly . Il est naturel, je m’imagine, de chercher à se faire de nouveaux amis, à proportion qu’on voit baisser l’affection des anciens. Mais j’aimerais mieux paraître aimable aux yeux de ma propre famille et aux vôtres, qu’à ceux de l’univers entier. Cependant les quatre dames de sa famille ont une réputation si bien établie qu’il doit être agréable pour tout le monde d’avoir quelque part à leur estime. N’y aurait-il pas quelque moyen, par l’entremise de Madame Fortescue, ou par celle de M Hickman, qui connaît milord M de s’informer (secrétement néanmoins) qu’elle est leur opinion sur les circonstances présentes, et sur le peu d’apparence qu’il y a désormais que l’alliance qu’elles ont autrefois approuvée, puisse réussir. De mon côté, assurément, je n’ai pas assez bonne opinion de moi-même pour m’imaginer qu’elles puissent souhaiter