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C’est ainsi qu’on m’a forcée d’abandonner ma fidèle Hannah. Si vous pouvez lui procurer quelque place qui soit digne d’elle, rendez-lui ce bon office pour l’amour de moi.




Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

Lundi, vers midi.

Je viens de recevoir la lettre que vous trouverez sous cette enveloppe. Mon frère l’emporte à présent sur tous les points qu’il s’est proposés. Je vous envoie aussi une copie de ma réponse ; c’est tout ce que je puis vous écrire à ce moment. Miss Clary, par l’ordre exprès de votre père et de votre mère, je vous écris pour vous défendre de vous présenter devant eux, et de paraître au jardin lorsqu’ils y seront ; ou quand ils n’y seront plus, d’y paraître autrement qu’avec Betty Barnes, si vous n’obtenez d’ailleurs quelque permission particulière.

Sous peine de leur disgrâce, on vous défend aussi toute correspondance avec ce vil Lovelace, avec qui l’on sait que vous n’avez pas cessé d’en avoir, par le ministère de votre rusée Hannah, qui n’a été congédiée que par cette raison, comme il était convenable.

Point de correspondance avec Miss Howe, qui s’est donné depuis peu de fort grands airs, et qui pourrait fort bien prêter son entremise pour votre commerce avec ce libertin, ni, en un mot, avec qui que ce soit, sans une permission expresse.

Vous ne paraîtrez point devant l’un ou l’autre de vos deux oncles, sans en avoir obtenu d’eux la permission. Après la conduite que vous avez tenue à l’égard de votre mère, c’est par un sentiment de miséricorde pour vous, que votre père refuse de vous voir.

Vous ne paraîtrez dans aucun appartement de la maison, où il n’y a pas long-temps que tout était soumis à votre gouvernement, à moins que vous ne receviez ordre de descendre.

En un mot, vous vous tiendrez exactement renfermée dans votre chambre, à l’exception de quelques tours de jardin qu’on vous permet de faire, par intervalle, sous les yeux de Betty, comme je vous l’ai déjà déclaré. Alors on vous ordonne de vous y rendre directement, sans vous arrêter nulle part ; c’est-à-dire, de descendre et de remonter par le plus court chemin, afin que la vue d’une jeune créature si perverse, ne cause pas à tout le monde une augmentation de chagrin.

Les menaces continuelles de votre Lovelace, et votre obstination inouïe, vous serviront à expliquer la conduite qu’on tient avec vous. Quel fruit la meilleure de toutes les mères a-t-elle recueilli de son indulgence, elle qui a plaidé si long-temps pour vous, et qui avait entrepris de vous ramener au devoir, dans le tems même que vos premières démarches en faisaient perdre l’espérance à tous les autres ? Quelle doit avoir été votre obstination, puisqu’une telle mère a pu se résoudre à vous abandonner ? Elle s’y croit obligée, et vous ne devez plus espérer de vous rétablir dans ses bonnes grâces, qu’en faisant les premiers pas pour revenir à la soumission.

Pour moi, dont vous pensez peut-être fort hardiment, mais que vous mettez en fort