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l’église, excepté les deux derniers dimanches, qu’on m’a conseillé de n’y point aller. Ma situation présente est telle, que je n’ai jamais eu tant de besoin du secours des prières publiques. Je m’engagerai solemnellement à n’aller que là, et à revenir. Je me flatte qu’on ne m’attribuera point d’autres vues. L’abattement de mes esprits, que je puis nommer assez justement une indisposition, sera une excuse fort naturelle pour me garantir des visites, et je ne répondrai que de loin aux civilités des personnes de ma connaissance. Il est inutile que tout le monde soit informé de mes disgrâces, si elles doivent avoir une fin. Ainsi je demande cette faveur pour le soutien de ma réputation, afin que je puisse marcher tête levée dans le voisinage, si je vis assez pour voir la fin des rigueurs qui semblent destinées à votre malheureuse sœur.

Cl Harlove.

Se faire un objet si important d’aller à l’église, pendant qu’on brave tous ses parens dans une affaire qui est pour eux de la dernière conséquence, c’est une absurdité. Ce qu’on vous recommande, miss, c’est la pratique de vos dévotions particulières. Puissent-elles changer l’esprit d’une jeune fille, des plus obstinées dont il y ait jamais eu d’exemple ! On se propose, je vous le déclare nettement, de vous ramener au sentiment de votre devoir par la mortification. Les voisins, de l’estime desquels vous paroissez si jalouse savent déjà que vous le bravez. Ainsi, miss, si vous faites cas réellement de votre réputation, faites-le connaître comme vous le devez. Il dépend encore de vous de l’établir ou de la ruiner.

James Harlove.

Ainsi, chère Miss Howe, mon frère m’a fait tomber dans ses filets. Et moi, comme un simple et malheureux oiseau, je ne me débats que pour m’y embarrasser de plus en plus.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe

lundi au matin, 6 mars.

Ils sont résolus de me déchirer le cœur. Ma pauvre Hannah est congédiée, honteusement congédiée. Voici les circonstances.

J’avais fait descendre cette pauvre fille pour apporter mon déjeûner. Au lieu d’elle, l’effrontée Betty Barnes, la confidente et la servante de ma sœur (si une confidente favorite peut être traitée de servante,) est montée à ma chambre une demi-heure après et m’a dit : que souhaitez-vous, miss, pour votre déjeûner ?

Ce compliment m’a surprise de sa part. Ce que je veux pour mon déjeûner, Betty ? Comment ! Alors j’ai nommé Hannah… je ne savais ce que je devais dire.

Ne soyez pas étonnée, miss ; vous ne verrez plus Hannah dans cette maison.

Le ciel m’en préserve ! Lui est-il arrivé quelque mal ; quoi ? Qu’est devenue Hannah ?

Sans vous laisser dans l’embarras, miss, voici l’histoire. Votre père et votre mère croient qu’Hannah a fait assez de mal dans la maison. Elle a reçu ordre de plier bagage (c’est le terme de cette audacieuse créature,) et je suis chargée de vous servir.