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nôtre, dans l’espérance que nous aurons trop de complaisance ou de timidité pour en faire un sujet de querelle ; et, si cette hardiesse n’est pas rebutée, de regarder notre silence comme un consentement volontaire, ou comme une démarche en leur faveur.

Il y a dans cette lettre d’autres particularités, dont je voudrais que vous fussiez informée. Mais je prendrai une autre occasion pour vous envoyer la lettre même, si je n’ai pas le temps d’en faire une copie.

Ce n’est pas sans chagrin que je considère comment j’ai été engagée d’un côté, et poussée de l’autre, dans une correspondance clandestine, qui n’a que trop l’air d’un commerce d’amour, et dont je trouve la condamnation dans les sentimens de mon cœur.

Il est aisé de voir que, si je tarde à la rompre, ma triste situation ne fera qu’augmenter de jour en jour les avantages de M Lovelace, et par conséquent mes embarras. Cependant, si je la finis, sans y mettre pour condition que je serai délivrée de M Solmes… croyez-vous, ma chère, qu’il ne soit pas à propos de la continuer encore un peu, pour trouver le moyen, en cédant celui-ci, de me débarrasser de l’autre ? N’est-ce pas de vous seule, à présent, que je puis attendre des conseils ? Tous mes parens sont assemblés. Ils sont à déjeuner ensemble. Solmes est attendu. Je suis dans une inquiétude extrême : il faut que je quitte ma plume.

Ils partent tous ensemble pour aller à l’église. Hannah m’apprend qu’ils ont l’air fort embarrassé. Elle est persuadée qu’ils ont pris quelque résolution.

Dimanche à midi.

Quel cruel tourment que l’incertitude ! Je veux demander la permission d’aller ce soir à l’église. Je m’attends d’être refusée ; mais si je ne la demande point, on dira que j’y ai manqué par ma faute.

J’ai fait appeler Chorey. Chorey est venue. Je l’ai chargée de porter ma requête à ma mère, pour la permission d’aller cette après-midi à l’église. Devinerez-vous la réponse ? Dites-lui qu’elle doit s’adresser à son frère, dans tout ce qu’elle voudra demander. Ainsi, ma chère, je suis entièrement livrée à mon frère. Cependant je me suis déterminée à recourir à lui pour obtenir cette faveur ; et lorsqu’on m’a envoyé mon dîner solitaire, j’ai donné un billet au domestique, dans lequel je m’adressais à mon père, par ses mains, pour demander la permission d’aller à l’église.

Voici sa méprisante réponse. Dites-lui qu’on délibérera demain sur sa demande. Qu’en dites-vous, ma chère ? On délibérera demain sur la permission que je demande d’aller à l’église aujourd’hui.

La patience est le seul retour dont je puisse payer cette insulte.

Mais, cette méthode ne réussira pas avec moi ; non, en vérité ! Je suppose néanmoins que ce n’est que le prélude de tout ce que je dois attendre de mon frère, à présent que je suis livrée à lui.

Après y avoir réfléchi, j’ai jugé que le meilleur parti était de renouveler ma demande. Voici la copie de mon billet, et celle du sien. Je ne sais, monsieur, quel sens je dois donner à votre réponse. Si c’est une simple plaisanterie, j’espère que vous demeurerez dans la même disposition, et que ma demande sera accordée. Vous savez que, lorsque je me suis trouvée au logis et en bonne santé, je n’ai jamais manqué à