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des douleurs si légitimes, en marchandant bassement le prix d’un service dont on est au désespoir ? Sont-ce les idées religieuses, le silence mélancolique qui doivent régner dans ces lieux funèbres. Encore une idée à faire disparaître : le tentera-t-on.

Un prêtre vénérable a répandu l’eau lustrale sur la tombe ; un ami désintéressé a, dans un discours improvisé, fait couler les pleurs des assistans, et tout est fini… Tout est fini ! Quel mot !

Nous nous sommes éloignés du grouppe nombreux qui avait escorté le convoi, laissons-les, dis-je a mon ami, ils vont sans doute, en dînant chez Morel à la barrière des Amandiers, noyer la douleur dans le vin : je ne les imiterai pas ; je trouve que c’est une singulière manie que le peuple a adoptée, déterminer un enterrement (la plus austère et la plus imposante de toutes les cérémonies d’ici-bas) par des libations au dieu des raisins et des chansons bachiques.

Et que veux-tu, mon cher, m’a-t-il répondu ? la terre elle-même n’est qu’un vaste tombeau, sur lequel on foule en dansant la cendre des morts. Je ne sais plus quel original a dit avec justesse que la vie était un livre bizarre composé d’un nombre presqu’égal de feuillets blancs et de feuillets noirs, qu’un relieur assez mal intelligent a cousus pêle-mêle, et sans suivre aucun ordre ; et voilà justement pourquoi l’image d’une scène mortuaire, est effacée par une scène de plaisir, qui s’évanouit, à son tour, pour faire place à d’autres scènes funèbres… C’est ainsi qu’il en fut jadis ; c’est ainsi qu’il en est maintenant ; c’est ainsi qu’il en sera dans les siècles futurs…

Que de larmes versées dans ces lieux ! que de regrets, que d’espérances, que d’affections sont ensevelies sous ces pierres funéraires ! que de mots pompeux inutilement et maladroitement prodigués ! que de grandes phrases pour de petits hommes ! que d’orgueil ! que de clinquant, et tout cela pour un peu de chair qui bientôt deviendra poussière. Que les hommes sont petits !