Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome I, 1916.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[ 64 ]

Il y aurait de quoi s’étonner de cette impardonnable insouciance de sa part si ce cas eut été unique. Mais la France n’a-t-elle pas donné ailleurs et partout le même exemple d’incurie ? L’Acadie, coin de terre si exposé, ne comptait encore qu’une population d’environ deux mille âmes, alors que les seules provinces de la Nouvelle-Angleterre en comptaient cent cinquante mille. Était-ce donc que les souverains français, et les gouverneurs qui les représentaient au Canada, n’appréciaient pas à leur valeur ces possessions coloniales ? Mais nous avons de nombreux documents qui prouvent au contraire que les gouverneurs de ces provinces ont en général attaché un grand prix à la conservation de ces domaines et qu’ils ont bien vu les moyens qu’il fallait prendre pour les rendre prospères, puissants, et utiles à la Métropole. Quelques-uns des rois de France ou certains de leurs ministres ont également fait preuve, en la matière, d’un grand sens politique et de vues élevées. Et, d’autre part, nous savons qu’en dépit du délaissement où il se trouvait, l’esprit d’entreprise, l’activité, l’audace ne faisaient nullement défaut au colon français. Ses courses hardies l’avaient rendu familier avec tout l’intérieur du continent, alors que les Anglais ne connaissaient encore que les côtes de l’Atlantique. Mais il aurait fallu que la mère-patrie secondât ses efforts et lui envoyât des secours au moins en hommes. Sous un gouvernement absolu qui s’arroge tous les droits et se réserve toutes les initiatives, qui soumet toutes choses à son action, même le peuplement d’une colonie dépend du pouvoir central. Et le roi de France n’avait qu’à en formuler le désir et à donner des instructions en conséquence pour qu’aussitôt se créât un mouvement régulier d’émigration parallèle à celui qui se manifesta en Angleterre. Pareil fait n’eut jamais lieu. Et qui donc faut-il en rendre respon-