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Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes — pourrait avoir quelque valeur si l’auteur avait vécu sur les lieux, ou s’il avait seulement pris la peine de les visiter et de recueillir par lui-même des informations. Faute d’avoir personnellement contrôlé ses sources de renseignements, Raynal, bien que contemporain des événements qu’il raconte, ne compte guère comme historien. Sans mettre en doute sa bonne foi, nous attachons si peu d’importance à son récit que nous ne le citons pas une seule fois. Ses opinions ne sont que le reflet des idées et des sentiments qui régnaient alors en France. Ce n’est pas un écrivain sérieux, c’est tout au plus un beau conteur dans le style pompeux et ampoulé de l’époque. La peinture flatteuse qu’il fait des mœurs acadiennes est trop idéale pour n’avoir pas été enjolivée par son imagination. Néanmoins, nous avons des preuves nombreuses qu’à Halifax même, une partie de la population ne

    gnements précis sur le commerce et les objets du commerce, entremêlés de tirades contre la guerre, la conquête, l’exploitation des indigènes, les abus du fanatisme et du despotisme. Ce furent ces morceaux d’éloquence ampoulée, où vibraient les passions du temps et les conversations de Diderot, qui firent le succès de l’ouvrage. Raynal eut l’honneur d’être comparé à Montesquieu, présenté à Frédéric II et reçu solennellement à Londres par la Chambre des Communes. Pendant vingt ans, l’Histoire philosophique fut la bible des deux mondes ; elle passionna les opprimés et les rêveurs ; on en retrouve la phraséologie dans les essais du jeune Bonaparte, comme dans les harangues des assemblées révolutionnaires.” Cf. Hist, de France, par Ernest Lavisse. Tome IX. Ire partie. Liv. IV, c. II. La philosophie et les sciences, p. 291.

    Voir encore sur Raynal les Causeries du lundi, de Sainte-Beuve, notamment le tome II, p. 431, le tome IV, p. 477-478, le tome V, p. 226. Aussi Le Royaume de la rue Saint-Honoré, par le marquis de Ségur, où l’on voit que Raynal était un habitué du salon de la célèbre Madame Geoffrin. Chateaubriand parle de cet abbé-philosophe aux tomes I et III de ses Mémoires d’Outre-Tombe, édition Edmond Biré (Paris, Garnier frères, 1904) : « Il (mon père) lisait… l’Histoire philosophique des deux Indes, dont les déclamations le charmaient ; il appelait l’abbé Raynal un maître homme. » Tome I, livre IX, p. 192.