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nos pères fut, même pour une part, mérité, du moins la conviction que la métropole n’avait pas décrété officiellement ce crime a apporté comme un adoucissement aux pensées amères qui hantaient notre esprit. Non ! Le gouvernement anglais n’a jamais ordonné cette déportation ; et nous voulons croire qu’il n’en a jamais entretenu la pensée sous la la forme odieuse qui a été adoptée[1]. Cet ouvrage fournira la preuve indiscutable qu’au moment même où le gouverneur Lawrence, se couvrant indignement du nom de Sa Majesté, mettait à exécution ce dessein depuis longtemps nourri, on lui adressait de là-bas des ordres condamnant en termes énergiques le projet pourtant atténué, la mesure adoucie qu’il avait soumis aux Lords of Trade. Chose étrange, et qui montre avec quelle légèreté s’écrit parfois l’histoire : aucun des historiens anglais ne cite un seul des documents qui établissent ce fait si important, les uns pour des raisons que nous expliquerons au cours de ce récit, les autres parce qu’ils ont aimé mieux suivre le sentier battu que de s’ouvrir un chemin à travers la brousse.

Nous n’entendons point, dans une préface, indiquer, fût-ce brièvement, sur quoi s’appuie notre ouvrage, quelles en sont les substructions. Cela nous entraînerait trop loin. Que ceux qui prennent un sincère intérêt aux choses de l’histoire soient seulement assurés de trouver ici de quoi satisfaire pleinement leur légitime curiosité. Nous osons

  1. Le texte primitif portait : « Le gouvernement anglais n’a jamais ordonné cette déportation, ni rien fait qui pût l’impliquer ». C’est cette version qui a passé dans la traduction anglaise : « The English Government never ordered this deportation, nor ever did anything that might imply it. » (p. 7.) L’auteur biffa subséquemment ce dernier membre de phrase et le remplaça par celui-ci : « et nous voulons croire qu’il n’en a jamais entretenu la pensée dans la forme odieuse qui a été adoptée ».