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poétique offre le sujet que nous allons exposer ! Un peuple heureux et prospère arraché violemment à ses foyers, disséminé sur toutes les plages ; des familles brisées dont les membres épars se cherchèrent pendant des années ; des existences vouées désormais à la tristesse et à la douleur, oh ! comme de tout cela se dégage une impression pénétrante. Même après plus d’un siècle, impossible à celui qui médite sur ces événements de n’en pas recevoir une sensation d’infinissable mélancolie. Les victimes de ce drame lugubre vous prennent au cœur et aux entrailles, comme les personnages d’une tragédie antique. L’esprit se perd à vouloir calculer les conséquences de cette affreuse dispersion : elles ont atteint chacun des membres de chaque famille ; pas un cœur qui n’en ait été torturé ; pas un muscle qui n’en ait tressailli.

Si nous ne pouvons nous dire que le châtiment infligé à

    de la géographie, de l’ethnologie, etc. — Il est très intéressant de constater la part de réalités objectives qui se mêle à la fiction du poète, et de voir comment celui-ci a transformé et s’est assimilé les divers éléments qu’il avait puisés de côté et d’autre. À la fin de son étude, M. Morin établit que c’est à tort que l’on a « fréquemment comparé l’Évangéline de Longfellow à l’Hermann et Dorothée de Goethe. Les deux idylles n’ont que fort peu en commun. Dans Hermann et Dorothée ce sont les personnages qui parlent le plus souvent, les héros excitent également l’intérêt du lecteur, les caractères sont clairement décrits, les descriptions nettes et vigoureuses, enfin, et surtout, Goethe épuise ses situations et les soutient avec habileté jusqu’à la fin ; le poème américain semble au contraire être « récité » par son auteur, et Évangéline y occupe la première et, pour ainsi dire, l’unique place. Gabriel passe presqu’inaperçu, et nous ne nous en faisons qu’une idée assez vague, Longfellow s’interrompt lui-même pour introduire de longues descriptions dans son texte, et ces raccords sont infiniment nuisibles à l’harmonie générale… »

    L’on sait que notre « poète du terroir », Pamphile Lemay, a traduit en vers français l’Évangéline de Longfellow. Le 2 juillet 1902, Richard envoyait de Paris une préface pour une édition nouvelle de cette traduction, laquelle n’a paru qu’en 1912, à Montréal, chez J. Alfred Guay.